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Appartient au dossier : Cartier : un diamant gros comme le Ritz

La dynastie des Cartier

Bien que la dynastie remonte au 18e siècle, le nom de Cartier se fait connaître vers 1847. Louis-François Cartier, l’ancêtre, travaille dans l’atelier de bijouterie appartenant à un artisan, Adolphe Picard, 29 rue Montorgueil à Paris. Proche de la retraite, Adolphe Picard remarque les qualités de Louis-François Cartier, lui propose de prendre sa succession à la tête de la bijouterie. Ce que Louis-François, fondateur de la dynastie des Cartier, accepte. En 1859, fort de son succès, Cartier souhaite agrandir sa boutique. Pour cela, il s’installe avec son fils Alfred qu’il prend comme associé au 9, boulevard des Italiens, haut lieu de la Vie parisienne.

En 1899, Cartier déménage définitivement au 13 rue de la Paix, quartier du luxe, près de la boutique du grand couturier Charles-Frederick Worth, du parfumeur Guerlain, de l’hôtel Ritz.
L’aîné des enfants d’Alfred Cartier, Louis, va épauler son père. Lorsqu’Alfred décède, c’est Louis qui dirige la maison. C’est avec lui que la Maison va séduire la clientèle parisienne et internationale. Quelques années plus tard, Pierre et Jacques épaulent leur frère Louis. À eux trois, ils vont se partager le monde. Louis Cartier dirige la maison mère à Paris. Jacques s’occupe de l’ouverture d’une succursale à Londres au 4 New Burlington Street, et la dirige. Cette ouverture coïncide avec le Couronnement du roi Edouard VII en 1902. Tandis que Pierre part pour New York ouvrir et administrer une succursale à la Cinquième avenue en 1907, Suzanne Cartier, leur sœur, est exclue des affaires.
C’est Edouard VII qui s’exclame : « Cartier est le joaillier des rois et le roi des joailliers ».

Dans les années 30, pour la première fois une femme entre dans l’univers masculin de la maison Cartier : Jeanne Toussaint. Cette femme, élégante et d’un goût sûr, va y déposer sa patte, une griffe indélébile : celle d’une panthère, surnom qu’on lui donne. La Panthère devient l’emblème de la Maison.

Les relations que Louis, Jacques et Pierre entretiennent avec les têtes couronnées leur procurent une longue liste de brevets délivrés par les cours royales et impériales.
Aux alentours de 1964, la Maison Cartier cesse de devenir une entreprise familiale. Elle passe la main à plusieurs dirigeants dont Robert Hoccq, Alain-Dominique Perrin. Actuellement, Cartier appartient au groupe Richemont, compagnie financière installée en Suisse.

 

Sommaire

Histoire de style :

À la chute de Louis-Philippe, le roi des Français, en 1848, la IIe République s’organise et Louis-Napoléon Bonaparte prend le pouvoir avant de réaliser un coup d’Etat en 1852. Louis-Napoléon devient empereur sous le nom de Napoléon III.
 

Seconde moitié du 19e siècle :

Portrait de la Princesse Mathilde
Portrait de la princesse Mathilde Napoléon, peinte par Eugène Giraud (Wikimédia, Domaine public)

Sous le Second Empire, le style des bijoux rappelle celui de la Renaissance, très chargé. L’or qui compose l’armature des parures semble massif et ne met pas en valeur les joyaux. Louis-François Cartier déteste ce style très lourd. Il souhaite l’alléger. Et il y parvient. Il est un des premiers à utiliser un alliage plus léger que l’or, plus maniable que l’argent qui noircit en outre : le platine. Ce matériau possède des avantages. Par sa finesse, sa solidité, il valorise indubitablement les diamants, les pierres précieuses et les perles.

Lorsqu’il s’installe Boulevard des Italiens, il attire la curiosité d’une clientèle cosmopolite dont la Princesse Mathilde, cousine de l’empereur Napoléon III. Par son intermédiaire, Cartier entre dans la sphère impériale. L’impératrice Eugénie de Montijo s’intéresse aussi à la nouveauté et à l’originalité de Cartier. Elle devient une de ses plus fidèles clientes.

Portrait de l'impératrice Eugénie
Eugénie de Montijo, peinte par Franz-Xaver Winterhalter, 1864 (Wikimédia, Domaine public)

Le style Louis XVI fascine Cartier. Il aime son apparente simplicité. Il ne cesse d’inventer des parures qui rappellent celles portées par Marie-Antoinette : rubans, guirlandes, nœuds… L’impératrice Eugénie voue une idolâtrie exclusive pour Marie-Antoinette. L’épouse de Napoléon III se vêt comme Marie-Antoinette, se fait portraiturer à la pose de Marie-Antoinette par Franz-Xaver Winterhalter à la manière d’Elisabeth Vigée-Lebrun. Elle demande aux ébénistes, Paul Sormani, la famille Bellangé, Vervelle, Gervais-Maximilien Durand entre autres, de lui créer des meubles dont le style s’appelle « Louis XVI-Impératrice ». Cet engouement influence aussi la mode et la joaillerie.
Lorsque Cartier s’installe rue de la Paix, le joaillier va faire la connaissance de Charles-Frederick Worth, fondateur de la Haute Couture. Ce créateur de mode, anglais d’origine, est lui aussi amoureux du 18e siècle. Les paniers, armatures en osier, donnent une ampleur toute royale aux somptueuses robes portées par la reine Marie-Antoinette et la Cour. Sur ces robes, se cousent des perles, des sequins et autres pierreries. Les broderies, la silhouette des toilettes procurent un éclat qui inspire Worth qui va créer des crinolines et Cartier à engendrer de beaux bijoux à porter autour du cou, des poignets, sur les coiffures ou à épingler sur les corsages. A eux deux, ils conjuguent la mode et la joaillerie du Second Empire. Ce mariage professionnel s’accompagne des noces de Louis Cartier, fils d’Alfred, avec Caroline, fille de Worth. Louis et Caroline vont être les parents d’Anne-Marie qui va épouser René Révillon, appartenant à la famille des fourreurs.

La IIIe République succède aux féeries impériales. Le succès de Cartier s’accroît. Toujours à la recherche de la nouveauté, Cartier s’inspire des créations étrangères pour les interpréter au goût français : les œufs que Carl Fabergé crée pour les tsars éblouissent Cartier. Leur émaillage subtil accompagné de petites incrustations de brillants leur confère une élégance certaine. Cartier va se servir de cette idée pour imaginer de ravissants petits objets décoratifs ou usuels, peignes, coupe-papier, faces-à-main, petits cadres, petites statuettes animalières, poteries florales.  Cartier s’intéresse à aussi à l’horlogerie dont le mécanisme le passionne. Parmi les montres du 18e siècle, les modèles conçus par Bréguet influence l’art horloger de Cartier qui conçoit de petites horloges dont les formes rappellent l’Antiquité.
A la fin du 19e siècle, les styles Louis XV, Louis XVI et l’art pour le Japon connaissent un engouement chez l’élite. Les frères Goncourt les remettent dans l’actualité en collectionnant les plus belles pièces.

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La Belle Époque :


La Belle Époque se passionne pour l’Art nouveau. En revanche Cartier déteste les formes « nouilles ». Il s’emploie à rester toujours fidèle à plus de simplicité. Vers 1906, il devance déjà l’Art déco en privilégiant des formes géométriques. Cette nouveauté préfigure l’identité de la Maison. La tendance de l’époque se résume à ces deux couleurs opposées mais élégantes : le noir et le blanc. Une femme élégante associe une robe de Jérôme, maison de couture (1920-1945), avec des chaussures de Louis Hellstern, bottier des Années folles, prévoit des jumelles en émail de Cartier, un petit réticule en velours, tout en symphonie de noir et blanc pour aller à l’Opéra.
Les bijoux de Cartier s’allègent encore et deviennent transformables. Une paire de guirlandes de diamants qui se porte en broche sur un corsage peut se monter en tiare grâce à leur montage sur un support rigide. Ou encore un collier composé de plusieurs parties qui deviennent bracelet et broche. Outre les diamants, émeraudes, rubis, saphirs, les perles possèdent la faveur de Cartier. Certains colliers de perles fines valent plus chers que les rivières de diamants. Grâce à son imagination fertile, Cartier s’adapte sans problème aux nouveaux besoins de la clientèle.
Durant la Première guerre mondiale, les activités de la joaillerie comme partout stagnent. Mais Cartier ne chôme pas pour autant. Il réfléchit à renouveler le design de ses créations ou à les faire évoluer. Observant que la mode change, que les femmes s’émancipent, coupent leur cheveu court. Il crée des petits sacs de soir en soie, daim, velours aux couleurs vives munis de fermoirs précieux, véritables sculptures, bijoux miniaturisés. Il imagine des barrettes en or, ou autres matières précieuses, avec ou sans incrustation de pierreries, des bandeaux, des aigrettes pour discipliner leur coiffure.
Avec son goût du mystère et du merveilleux, il crée des pendules mystérieuses dont le mécanisme du Temps qui passe (aiguilles d’or, de diamants, d’onyx, corail…) est invisible à l’œil. Ces pendules deviennent des œuvres d’art et prennent des formes fantastiques : chimères, dragons, fleurs…

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De 1920 à nos jours :

Pendule Art déco
Pendule Art déco Cartier, Flickr, Clive Kandel (CC BY-ND 2.0)

Pendant les années 1920, « Quand l’Art déco séduit le monde », où il existe une opposition entre tradition/ornement, rupture du passé/abstraction, Cartier demeure fidèle à sa philosophie : tradition et modernité. Les accessoires féminins et masculins se parent de couleurs, de matières originales, jade, corail, émail, onyx en compagnie des pierres précieuses. Egypte, Inde, Extrême-Orient deviennent des sources d’inspiration.
En 1925, l’Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes attire les curieux du monde entier. L’Exposition internationale se divise en cinq groupes  : Architecture, Mobilier, Parure, Arts du théâtre, de la Rue et des Jardins, Enseignement. Louis Cartier est vice-président du groupe Parure, composé de sous-groupes : Vêtement, Mode et accessoire du vêtement, Parfumerie, Fleurs, Bijouterie-Joaillerie. Cartier participe à la décoration du Pavillon de l’Élégance. Des mannequins en bois stylisés par Siégel & Stockman, portent des toilettes de Jeanne Lanvin, créatrice de mode, et des parures en diamant, perle et émeraude dont un collier appelé « Bérénice » de Cartier qui y obtient le diplôme commémoratif.
Le krach de Wall Street qui bouleverse l’économie mondiale le 29 octobre 1929 ne bouscule pas beaucoup l’univers du luxe.

Broche Panthère
Broche Panthère Cartier, Flickr, Clive Kandel, 2012 (CC BY-ND 2.0)

L’apparition de Jeanne Toussaint renouvelle l’éclat de la Maison Cartier à partir de 1933. Née à Charleroi en 1887 d’une famille modeste, Jeanne Toussaint quitte la Belgique pour rejoindre sa sœur installée à Paris. Jeanne Toussaint y apprend les arcanes de la séduction et devient l’amie intime de Louis Cartier. Elle mémorise le bel art de vivre français. D’un goût très sûr, Jeanne Toussaint s’habille et décore élégamment son appartement instinctivement. Sa démarche, toute féline, la fait surnommée « la Panthère » par Louis Cartier. Elle devient directrice du département haute joaillerie de la Maison Cartier. Autodidacte et n’ayant jamais appris à dessiner, Jeanne Toussaint se met à engendrer des créations toutes plus belles et originales les unes que les autres. Mise au défi par Cartier, elle imagine des bijoux où le thème de la panthère est présent : une broche représentant une panthère pavée de diamants et onyx, dotée d’yeux en émeraude sur un saphir taillé en cabochon de 152,35 carats. Une véritable prouesse de créer un bijou en trois dimensions.
Jeanne Toussaint devient un membre actif et travaille dans la Maison jusque dans les années 1970. Cartier ne cesse jamais de produire, d’actualiser ses créations. Souhaitant atteindre une clientèle plus large, Cartier fonde un nouveau département : « Les Must de Cartier ». Bijoux, montres, stylos, briquets, foulards en soie, parfums et autres accessoires deviennent plus accessibles. Les créations sont siglées d’un double C stylisé en pointe qui rappelle le logo de Chanel. Le sigle Cartier entrelacé est né en 1910. Le platine devenant inabordable, l’or revient en force.
Jusqu’au 21e siècle, les boutiques répandues un peu partout dans le monde exposent des bijoux et accessoires toujours séduisants et de qualité. Le génie de Cartier réside dans l’art de rester « moderne », de rester dans son temps tout en osant des styles divers. Ces joyaux font toujours rêver.

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Publié le 04/12/2013 - CC BY-SA 4.0

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