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Appartient au dossier : Les galeristes, découvreurs d’artistes

Les galeries de Daniel-Henry Kahnweiler

Daniel-Henry Kahnweiler (1884-1979), issu d’une famille allemande aisée, ouvre une galerie à Paris sans grande connaissance du métier. Il achète et soutient les cubistes durant toute sa carrière.
Notre série estivale consacrée aux galeristes qui ont façonné le marché de l’art depuis la fin du 19e siècle accompagne le parcours Galeries du 20e siècle proposé au sein des collections modernes du Centre Pompidou jusqu’en 2020. 

Daniel-Henry Kahnweiler ouvre en 1907 sa première galerie, au 28 de la rue Vignon, à Paris. Il n’a alors qu’une culture personnelle, livresque et muséale de l’art et aucune connaissance du marché. Il acquiert ses premières œuvres au Salon des indépendants où les fauvistes sont bien représentés et où les cubistes font leurs débuts. Kahnweiler adopte la technique sur le long terme des marchands de tableaux Durand-Ruel et Vollard, qu’il admire. Il achète toute la production d’artistes débutants et en réclame l’exclusivité. En contrepartie, le contrat accorde une certaine sécurité financière à ces jeunes artistes. De toute sa carrière, il n’achète qu’une quinzaine d’artistes, dont Picasso, que Vollard avait exposé en 1901 mais dont les toiles étaient ignorées depuis par le monde de l’art. Sa galerie devient rapidement le lieu d’exposition des cubistes et un lieu de rencontre pour ses amis poètes, qu’il édite. Kahnweiler croise ses deux passions et réalise des livres d’artistes.

En 1914, c’est la guerre. Kahnweiler étant allemand, ses biens et sa galerie sont placés sous séquestre. En exil en Suisse, Kahnweiler écrit de nombreux textes sur l’art, le cubisme et les peintres qu’il expose. En 1920, il ouvre une nouvelle galerie rue d’Astorg sous le nom de son associé : la galerie Simon. Tout est à refaire et certains peintres se sont tournés vers d’autres galeries en son absence. Kahnweiler revient pourtant sur le devant de la scène et surmonte également les crises économiques de 1922 et 1929. Il récupère ses peintres sauf Picasso. 

La Seconde Guerre mondiale l’oblige à nouveau à quitter Paris pour fuir les persécutions envers les Juifs cette fois. En 1941, il vend sa galerie à sa belle-fille et collaboratrice Louise Leiris pour la protéger de l’aryanisation des biens juifs. Picasso revient vers Kahnweiler en 1950. Louise Leiris poursuit l’œuvre de Kahnweiler en défendant l’art et les cubistes à son tour. La galerie Louise Leiris est toujours en activité, dirigée par Quentin Laurens.

Portrait au crayon de Kahnweiler
Portrait de Daniel-Henry Kahnweiler, par Juan Gris, 1921. Collections du Centre national d’art et de culture Georges-Pompidou

Les artistes

Pablo Picasso, Paul Klee, Kees Van Dongen, André Derain, Georges Braque, Fernand Léger, Juan Gris, Maurice de Vlaminck, André Beaudin, Eugène de Kermadec, Élie Lascaux, Henri Laurens, André Masson…

Quelques dates

1807 : ouverture de la galerie Kahnweiler, 28 rue Vignon
1914 : exil en Suisse car Kahnweiler ne veut pas combattre aux côtés des Allemands
1920 : ouverture de la galerie Simon, 29 bis rue d’Astorg
1921 à 1923 : vente par l’État français des tableaux de Kahnweiler saisis pendant la guerre (en quatre ventes)
1941 : Kahnweiler se réfugie dans le Limousin et protège ses biens de la confiscation en les confiant à Louise Leiris.
1944 : retour à Paris
1957 : la galerie Louise Leiris s’installe au 47 rue de Monceau

Publié le 09/07/2019 - CC BY-SA 3.0 FR

Sélection de références

Daniel-Henry Kahnweiler : marchand, éditeur, écrivain; Exposition. Paris, Centre national d'art et de culture Georges Pompidou-. 1984-1985

Daniel-Henry Kahnweiler : marchand, éditeur, écrivain

Collectif
Ed. du Centre Pompidou, 1984

Ce catalogue de l’exposition sur la vie et l’œuvre de Daniel-Henry Kahnweiler, présentée au Centre Pompidou en 1984-1985, propose des textes sur le galeriste ainsi qu’une précieuse chronologie et de nombreux documents.

À la Bpi, niveau 3, 7.9 KAH

L'Homme de l'art : : : D.-H. Kahnweiler (1884-1979)

L'Homme de l'art. D.-H. Kahnweiler (1884-1979)

Pierre Assouline
Gallimard, 1989

Le biographe réputé Pierre Assouline rédige la première biographie du marchand d’art suite à la visite de l’exposition que lui consacre le Centre Pompidou et à la lecture des entretiens avec Francis Crémieux. La galerie Leiris lui a donné accès à ses archives pour réaliser cet ouvrage conséquent et documenté.

À la Bpi, niveau 3, 7.9 KAH

Mes galeries et mes peintres : entretiens avec Francis Crémieux

Daniel-Henry Kahnweiler, Francis Crémieux
Gallimard, 1998

Dans ces entretiens avec le critique Francis Crémieux, Daniel-Henry Kahnweiler raconte la vie artistique de la première moitié du siècle, qu’il s’agisse des pratiques du marché de l’art ou de la condition des artistes. Il revient sur la naissance du cubisme. Un texte très vivant et détaillé.

À la Bpi, niveau 3, 7.9 KAH

Nouvelle fenêtre

21 rue La Boétie, la galerie de Paul Rosenberg exposée au Musée Maillol

L’exposition « 21 rue La Boétie » retrace le parcours singulier de Paul Rosenberg (1881-1959), qui fut l’un des plus grands marchands d’art de la première moitié du 20e siècle et un concurrent direct de Daniel-Henri Kahnweiler. Paul Rosenberg et son frère Léonce, fils de marchand d’art et galeristes eux-mêmes, ont racheté de nombreuses toiles sous séquestres de Kahnweiler. Paul Rosenberg prit Picasso en contrat lorsque Kahnweiler était en exil en Suisse. Il était également l’ami et le voisin du peintre. En 1940, Paul Rosenberg fuit la France et le nazisme et ouvre une galerie à New York sur la 79e rue.

Nouvelle fenêtre

Le marchand d'art et collectionneur Wilhelm Uhde

Wilhelm Uhde, compatriote de Kahnweiler, est celui qui présente Picasso à Kahnweiler en l’accompagnant à l’atelier du Bateau-Lavoir. Uhde ouvre une galerie en 1908 au 73 rue Notre-Dame-des-Champs qu’il inaugure avec une exposition du Douanier Rousseau. La galerie ferme deux ans plus tard mais Uhde monte des expositions dans d’autres lieux et agrandit sa collection qui connaîtra le même sort que celle de Kahnweiler à la Première Guerre mondiale : confiscation et vente. Uhde est également le découvreur de Séraphine, de Senlis et le promoteur de l’art naïf.