Sélection

Taiyô Matsumoto : dessiner l’enfance
Festival international de la bande dessinée d'Angoulême 2019

>De Sunny à Amer Béton en passant par Gogo Monster, le manga-ka Taiyô Matsumoto dessine le monde de l’enfance depuis maintenant trente ans. Alors qu’une rétrospective de ses œuvres est organisée à l’occasion du 46e Festival de la bande dessinée d’Angoulême, Balises vous propose de (re)découvrir son travail à travers une sélection de trois bandes dessinées.

Taiyô Matsumoto est originaire de Tokyo. Il a publié à ce jour treize œuvres, et ses récits ont été diffusés par épisodes dans de nombreux « magazines de prépublication » qui publient des mangas pour jeunes adultes. Suite à un voyage en France pour l’écriture d’un article sur le Paris-Dakar, il découvre la bande dessinée franco-belge avec Moebius, Enki Bilal et Nicolas De Crécy… Il décide de mêler ces styles graphiques au sien. Il s’essaie d’abord aux séries sportives avec Straight, sur un joueur de baseball quadragénaire, Zero qui suit un boxeur prêt à prendre sa retraite. Puis à l’univers des samouraïs avec Samouraï bambou qui dresse le portrait d’un assassin sans désir de tuer.
Taiyô Matsumoto inverse les codes du manga en créant des anti-héros à la fois attachants et émouvants. La poursuite d’un rêve illusoire ou la perte de l’innocence sont ses thèmes de prédilection. L’auteur s’est par la suite attaché à explorer le monde de l’enfance, sous ces facettes les plus sombres. Sa dernière série Sunny est une ode personnelle et mélancolique à sa jeunesse.

affiche réalisée par Taiyou Matsumoto

Publié le 26/01/2019 - CC BY-NC-SA 4.0

Sélection de références

Gogo Monster

Taiyô Matsumoto
Delcourt, 2000

Yuki Tashibana est un jeune écolier mal intégré, et qui suscite la curiosité de ses camarades. Dans son monde fantastique vivent « les autres », des êtres que personne n’a jamais vus, menés par Super Star, leur leader énigmatique. Le garçon se lie progressivement d’amitié avec Makoto, un nouvel élève de l’école. Makoto tente de comprendre ce qui anime son camarade. Est-il fou ou est-il doté d’un pouvoir extraordinaire ? Mais pénétrer l’univers étrange de Tashibana s’avère plus compliqué qu’il n’y paraît…

Gogo Monster se veut le lieu d’un jeu déroutant sur l’enfance, en parfaite harmonie avec l’œuvre de Taiyô Matsumoto. Solitaires, différents, mystérieux, les héros du mangaka perturbent, tant leur singularité détonne face aux figures de l’enfance que le manga shōnen sait produire traditionnellement. Le trait troublant de l’auteur plonge son lecteur dans un sombre cocon, à mi-chemin entre rêve et réalité, et donne toute sa profondeur poétique et symbolique à cette fable inquiétante, sur l’enfance et le temps qui passe.

À la Bpi, niveau 1, MA GOG

Amer Béton

Taiyô Matsumoto
Delcourt, 2007

Noiro et Blanko sont deux orphelins de la rue. Surnommés « les chats » , ils tabassent les yakuzas locaux et rackettent les SDF. Depuis que les différents clans ont fait la trêve, la ville de Takara est redevenue paisible, mais Papy, chef des yakuzas, se questionne sur cette cohabitation. Il ne veut pas que les affaires retournent à la normale et que ses troupes redeviennent des « tigres de papier ». Avec le retour de Suzuki, ancien yakuza, la police se remet à enquêter sur leurs agissements.

Le monde de l’enfance est profondément maltraité dans Amer Béton. Nos deux anti-héros ne cherchent pas à rendre justice dans cette ville, mais survivent au jour le jour. Leur monde change, mais ils sont impuissants pour inverser le cours des choses. Les SDF sentent que la ville est prête à imploser et Dieu n’a plus sa place face à cette ultra-violence urbaine.
Taiyô Matsumoto s’interroge sur les travers de l’humanité : la cruauté, l’abandon, la trahison, la corruption… Son univers post-apocalyptique et claustrophobe, qui fait penser à celui d’Akira, est sublimé par un dessin réaliste d’une grande maîtrise.

Sunny

Taiyô Matsumoto
Kana, 2014

Sei vient de Yokohama. Il n’a que 12 ans quand il arrive dans un foyer d’accueil pour jeunes en difficulté. Il rejoint un cercle d’enfants avec des personnalités atypiques. Tous se retrouvent autour d’une Sunny 1200, voiture déglinguée jaune moutarde, pour rêvasser et s’évader dans des mondes imaginaires. Le quotidien des enfants est fait de séances de jeu, de chants, de balades en vélos, de découvertes des coléoptères et des batraciens… L’apparente tranquillité cache pourtant la réalité sociale à laquelle ils sont confrontés malgré eux : l’abandon des parents, l’alcoolisme d’un père, les moqueries venant de l’extérieur…

Sunny est un manga qui se contemple. La nature y est omniprésente, détaillée à la manière d’une aquarelle tendre et délicate. Par touches subtiles, le mangaka donne à voir des paysages montagneux grandioses qui rappellent la majestuosité du mont Yari. Il alterne avec des jardins entourés de galets et de buissons, des ombres d’ormes et de marronniers, un trèfle à quatre feuilles que Shôsuke, un petit pensionnaire du foyer, recherche en vain…     
Les thèmes similaires à sa précédente œuvre Amer Béton sont déclinés : la mort, la recherche d’identité, le rejet, l’abandon… La violence y est distillée mais reste maîtrisée.  

À la Bpi, niveau 1, MA SUN

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