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La crise des subprimes
Mécanismes d'un dérèglement financier international

En  2007-2008, la crise économique s’orne d’un nouveau substantif. C’est la crise des subprimes, du nom des prêts hypothécaires proposés depuis quelques années aux ménages américains, à l’origine de l’explosion de la bulle immobilière aux États-Unis.


© Flickr, CC BY 2.0,

Avec cette crise des subprimes commence une phase d’instabilité financière internationale majeure dont les enchaînements, loin d’être achevés, donnent lieu à la publication de très nombreuses analyses. Que faut-il retenir de cette bibliographie pléthorique, qui au premier abord peut donner le vertige ?

La crise financière que vivent aujourd’hui les principales économies de la planète, trouve son origine dans une crise du crédit immobilier aux États-Unis.

De l’endettement des ménages…

Depuis le début des années 2000, les ménages américains se voient accorder des prêts immobiliers avec beaucoup de facilité. Les plus modestes accèdent à ces prêts alors qu’ils ne présentent pas de garanties de revenus suffisantes. Les biens immobiliers s’échangent rapidement sur ce marché caractérisé à la fois par sa taille (des milliards de dollars), et par la facilité d’accès du plus grand nombre au crédit : les prix de l’immobilier augmentent très rapidement, dans ce meilleur des mondes où tous les acteurs économiques – du père de famille au trader, en passant par la banque qui l’emploie – semblent être gagnants.
La bulle pourrait simplement exploser et les prix revenir à des niveaux plus réalistes mais, lorsqu’à la fin de l’année 2007, le nombre des ménages américains insolvables apparaît dans toute son ampleur, le monde de la finance réalise que l’ensemble des acteurs financiers de la planète vont être secoués.

… à l’endettement des banques

En 2007, l’économie financière s’est fortement internationalisée et les prêts immobiliers des banques américaines ont fait l’objet d’une « titrisation » : les banques de réseaux, interlocutrices traditionnelles des ménages, n’ont financé les crédits subprimes que de manière transitoire. Les prêts ont ensuite été rachetés sur les marchés internationaux sous forme de titres financiers par d’autres opérateurs et collecteurs d’épargne du monde entier : banques, fonds de pensions, assurances vie, etc. Le risque intrinsèque aux crédits subprimes a ainsi été transféré pour des milliards de dollars d’actifs vers des opérateurs financiers de nombreux pays.

Lorsque les ménages américains les plus pauvres, incapables de payer leurs traites, commencent à remettre en vente des biens immobiliers en nombre sur un marché qui va en se dépréciant, un immense jeu de domino international s’enclenche : les banques cherchent à solder leurs actifs à risque, ne pouvant plus masquer leurs pertes. N’y parvenant pas toujours, certaines d’entre elles font faillite. C’est le cas de la banque d’investissement Lehman Brothers aux Etats-Unis, qui sombre en septembre 2008 et devient un symbole de cette crise.

Une crise des systèmes bancaires à l’échelle mondiale

En Europe occidentale on retiendra la quasi-faillite des systèmes bancaires islandais et irlandais. Dans ces deux pays, la croissance économique remarquable des années 2000 masquait un système bancaire très exposé au risque. Les principales banques de ces pays sont alors nationalisées ou sauvées au bénéfice d’une injection massive d’argent public. En France, aucune banque de réseau n’est menacée, mais avec l’affaire Kerviel à la Société Générale et les milliards d’euros volatilisés par les prises de risques d’un seul trader, la France tient à la fois son symbole de la crise et le premier scandale financier du XXIe siècle.

Dans tous les pays développés, les pouvoirs publics vont être contraints de voler au secours des établissements bancaires pour éviter les faillites en séries. Conséquence immédiate, en 2008, 2009 et 2010, les déficits publics s’envolent. Les pays européens les plus endettés ont des difficultés à financer leur dette sur les marchés financiers, parfois à boucler les budgets publics nationaux (c’est le cas en Grèce). La zone euro entre en 2010 dans une période de doute où les puissances économiques les plus structurées (l’Allemagne, la France…) sont obligées de soutenir les comptes publics les plus fragilisés (la Grèce, l’Irlande).

Une crise toujours d’actualité

La suite de cette histoire économique est en cours d’écriture à l’été 2011 : inquiétude croissante des marchés sur le niveau des déficits publics de nombreux pays occidentaux, baisse de la note de la dette américaine par l’agence de notation Standard & Poor’s au début du mois d’août 2011 et dévissage de l’ensemble des places boursières dans les jours qui suivent.

Pour aller plus loin, voici une sélection de références sur la crise (articles de presse et ouvrages économiques).

Publié le 03/09/2011 - CC BY-SA 4.0

Sélection de références

Crise et rénovation de la finance

Michel Aglietta avec Sandra Rigot
Odile Jacob, 2009

Ce livre complète de manière érudite l’analyse financière de la crise et les axes de refondation du système bancaire international.

À la Bpi, niveau 3, 333.6 AGL

La Crise : les voies de sortie

Michel Aglietta
Michalon, 2010

À la Bpi, niveau 3, 333.6 AGL

La crise des subprimes dans la revue Le Débat

NC

À propos de la crise financière, Le Débat a notamment largement donné la parole à Paul Jorion, dont le regard combiné d’anthropologue et d’ingénieur financier pour des firmes américaines est l’un des plus acérés sur le sujet.

  • N°155 (mai-août 2009)
  • N°157 (novembre-décembre 2009)
  • N°161 septembre-octobre 2010)

À la Bpi, niveau 2, 0 DEB

La Crise des subprimes (La Documentation française, 2008)

Patrick Artus, Jean-Paul Betbèze, Christian de Boissieu et Gunther Capelle-Blancard
, 2008

Rapport présenté au Conseil d’analyse économique par Patrick Artus, Jean-Paul Betbèze, Christian de Boissieu et Gunther Capelle-Blancard. Dès août 2008, les auteurs analysaient en profondeur les dérèglements du système bancaire et financier et présentaient aux politiques des recommandations sur la transparence de l’information financière (le fonctionnement des agences de notation), la définition de standards internationaux de liquidité des banques et l’instauration de nouvelles règles de gouvernance économique à l’échelle européenne et mondiale.

À la Bpi, niveau 2, 336.6 SUB

La crise financière dans la revue Esprit

NC

  • « Dans la tourmente, aux sources de la crise financière » (décembre 2008),
  • « Les mauvais calculs et les déraisons de l’homme économique » (juin 2009)
  • « Les contrecoups de la crise » (novembre 2009)
  • « Les impensés de l’économie » (janvier 2010)
  • « Les États et le pouvoir des marchés » (décembre 2010).

À la Bpi, niveau 2, 0 ESP

L'Arrogance de la finance : comment la théorie financière a produit le krach

Henri Bourguinat avec Éric Briys
La Découverte, 2009

Figure de la recherche en économie financière en France, Bourguinat analyse la déconnexion progressive de l’économie financière et de l’économie réelle. Ce livre montre comment une génération d’économistes et d’experts financiers spécialisés dans les modèles mathématiques d’ingénierie financière ont créé un contexte favorable à l’explosion de 2007-2008. Un peu comme si la crise engagée en 2007 constituait l’illustration ultime des mécanismes de virtualisation de l’économie financière décrits par Bourguinat depuis près de deux décennies.

À la Bpi, niveau 3, 334.2 BOU

Le Rapport Stiglitz : pour une vraie réforme du système monétaire et financier international

Joseph E. Stiglitz
Éditions LLL, 2010

Le titre qui vient à l’esprit avant tout autre. La commission initiée par l’ONU autour de Stiglitz, lauréat du Nobel en 2001, y  analyse les mécanismes de la crise financière, l’échec de l’autorégulation des marchés financiers et incite les États à agir ensemble pour réformer le système monétaire et financier et le rendre plus protecteur du bien public.

À la Bpi, niveau 3, 330.87 STIG 1

Le triomphe de la cupidité

Joseph E. Stiglitz
Éditions LLL, 2010

Publié en France quasiment au même moment que le « rapport », ce livre est devenu un autre « classique ». Stiglitz y reprend sensiblement les mêmes mises en garde contre le fanatisme du marché et la financiarisation de l’économie.

À la Bpi, niveau 3, 330.87 STIG 1

L’Implosion : la finance contre l’économie

Paul Jorion
Fayard, 2008

À la Bpi, niveau 3, 333.6 JOR

Pourquoi les crises reviennent toujours

Paul Krugman
Seuil, 2009

Prix Nobel en 2008, professeur au MIT, Krugman a publié en 2009 une édition mise à jour de cet ouvrage. Il analyse la crise financière non pas comme le résultat de mauvaises pratiques et d’erreurs de gestion d’un système qui resterait lui-même incontestable, mais comme une crise systémique, où la valorisation à l’excès du capital et de sa libre circulation par les doctrines libérales serait contraire à une prospérité durable. Prospérité durable qui selon lui, suppose plus simplement de donner la priorité à la satisfaction des besoins du plus grand nombre par une distribution équitable du pouvoir d’achat.

À la Bpi, niveau 3, 330.87 KRUG 1

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