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Appartient au dossier : Géographies amazoniennes

Amazonie : « Des terres sans hommes pour des hommes sans terre »

Ce slogan a été mis en avant par les militaires au pouvoir au Brésil pour occuper des espaces infinis réputés vierges et offrir une perspective aux paysans sans-terre du Nordeste et du Sud du Brésil et aux habitants des favelas. C’était ignorer totalement les « Amérindiens ». Ce slogan mensonger s’est d’ailleurs modulé en : « Beaucoup de terres pour peu d’Indiens ! ». C’était ignorer les pratiques de cultures itinérantes sur brûlis qui ne peuvent s’accommoder de fortes densités et le prélèvement mesuré sur de grandes étendues de la faune et de la flore effectués par les populations autochtones qui préservent traditionnellement le couvert forestier dans un autre rapport à la nature.

diadème de plume
Diadème bororo en plumes de perroquet pour enfant ©Musée Quai Branly, Mission Dina et Claude Lévi-Strauss

Un pays immense comme le Brésil, grand comme quinze fois la France, compte des exploitations agricoles qui peuvent dépasser les 100 000 hectares, faisant l’objet pour certaines de faux titres de propriété et laissées parfois en jachère.
À côté d’elles, vivent des milliers de paysans « sans-terre » ou des petits propriétaires expropriés de force par les hommes de main des latifùndistes, des chômeurs qui attendent une redistribution des terres en friche par l’Etat, redistribution qui ne vient pas.

Cette réforme agraire qui ne se fait pas est à l’origine des migrations vers les favelas (bidonvilles) des grandes villes ou vers les terres amazoniennes.

Une mère et ses enfants
Une mère et ses trois enfants by Jean-François Renaud [CC-BY-ND 2.0] via Flickr

Diversité

Actuellement plus de vingt millions de personnes vivent en Amazonie.
Leur diversité est remarquable :

  • Les peuples indigènes -ils rejettent l’appellation d' »indiens »- ont une population  estimée à 226 000 habitants en sachant qu’environ 50 tribus ne sont pas rentrées en contact avec les autres cultures.
  • Les afro-descendants, descendants d’esclaves marrons qui se sont réfugiés dans la forêt  constituent des communautés appelées Quilombolas qui sont au nombre de 3 000 dans tout le Brésil mais seules 190 d’entre elles sont officiellement reconnues.
  • Les Caboclos, métis issus d’indiens et de blancs et les paysans sans-terre, migrants de l’intérieur et de l’extérieur viennent compléter la population amazonienne.

Mobilité

70% de cette population réside en milieu urbain.  À la fin du 19e siècle et au début du 20e siècle, les seringueiros ou cueilleurs de caoutchouc ont pénétré tous les lieux de la forêt y compris les plus reculés : colons originaires du Nordeste brésilien, de la Sierra andine, d’Europe et amérindiens employés comme main-d’oeuvre ont participé au développement de la filière du caoutchouc, aux nombreux métissages à l’origine de cette société

appelée cabocla caractéristique de l’Amazonie et à la construction de grandes villes à l’intersection des fleuves comme Manaus, Belem, Poto Velho, Macapà au Brésil, Iquitos, Pucallpa et Tarapoto au Pérou, Leticia en Colombie ainsi que des villes moyennes Marabà, Santarem, Altamira au Brésil, et des petites villes le long du réseau fluvial. L’urbanisation s’effectue surtout le long des fleuves, le long des routes. Les autochtones se déplacent beaucoup entre ville et campagnes, ils veulent accéder à de meilleures conditions de vie.

Identité

À cette grande mobilité des populations s’ajoute une variabilité des identités : des populations reconnues comme « Caboclos » ou métis se revendiquent comme amérindiennes aujourd’hui

En effet, la constitution de 1988 au Brésil a octroyé aux Indiens des droits originels sur les terres qu’ils habitaient avant la formation de l’Etat et les métis ainsi que les Quilombos ne veulent pas être en reste. Ces démarcations de territoire sont en cours de discussions et font l’objet d’actions judiciaires souvent longues. Les terres indigènes occupent 20% de la superficie de l’Amazonie, elles sont couvertes de forêts avec un taux de déforestation bas.

L’arrivée des Européens au Brésil avait entraîné la disparition de nombreuses ethnies en raison du travail forcé, de l’introduction de maladies et de l’alcoolisme. De 1 000 environ elles seraient passées à 170 en Amazonie. Dans la première partie de 20e siècle la population serait passée d’un million à 200 000 personnes. Or, depuis les années 1980, les courbes de croissance des populations amérindiennes se sont inversées !

Combat

Les « Indiens » se sont mobilisés pour s’approprier leurs terres en s’emparant des cartes par satellite et de la notion de » frontière » qui leur était étrangère et qu’ils traduisent désormais dans leurs langues par « terre coupée ». Ils engagent des actions fortes contre des projets de barrages qui inondent leurs terres comme le barrage de Belo Monte, ils poursuivent en justice les compagnies pétrolières qui polluent leurs territoires, ils se sont opposés aux envahisseurs comme par exemple les chercheurs de caoutchouc et expulsent les chercheurs d’or… Mais les feux des fronts pionniers empiètent sur leurs territoires amenant souvent la violence. En outre, la sédentarisation ne leur permet plus d’occuper la totalité des territoires.

Publié le 26/04/2013 - CC BY-SA 4.0

Sélection de références

couverture Gens sans-terre

Gens sans terre : la trajectoire du MST et la lutte pour la terre au Brésil

Joao Pedro Stedile, Bernardo Mançano Fernandes,
Temps des cerises, 2003

L’auteur, géographe brésilien a interrogé l’un des fondateurs du MST, J. P. Stedile, pour retracer l’histoire des vingt années de lutte pour la terre et pour la réforme agraire dans vingt-et-un Etats de la Fédération brésilienne de 1979 à 1999. C’est la continuation de cinq siècles de luttes contre le latifùndio et de répressions sans pitié. Leur combat se résume ainsi : « Occuper, résister, produire ».

À la Bpi, niveau 2, 335.41 STE

Couverture La Grande Revanche

La Grande Revanche : les Amérindiens à la reconquête de leur destin

Julie Pacorel, Jean-Baptiste Mouttet
Autrement, 2013

Enquête de deux journalistes français sur les tribus indiennes d’Amérique du Sud.

À la Bpi, niveau 3, 914(8) MOU

Couverture L'Enjeu migratoire

L'Enjeu migratoire en Guyane française : une géographie politique

Frédéric Piantoni
Ibis rouge, 2009

L’auteur nous montre comment les migrations planifiées à l’époque coloniale ont été instrumentalisées par la France afin de s’approprier le territoire de la Guyane. Il s’intéresse ensuite au bassin du Maroni, où les Bushinengués ont créé un espace échappant au pouvoir national et qui serait l’unique territoire guyanais intégré dans un espace régional. Enfin il mesure l’importance des migrations aujourd’hui pour le développement de la Guyane. Région ultra-périphérique de l’Europe, enclave du Nord dans un contexte du Sud, la Guyane peine à s’intégrer dans un espace plus global qu’il soit latino-américain ou français.

À la Bpi, niveau 3, 914(863) PIA

Couverture Les sans-terre du Brésil

Les Sans-terre du Brésil : géographie d'un mouvement socio-territorial

Jean-Yves Martin
l'Harmattan, 2001

L’auteur, géographe engagé, nous montre comment le MST, Mouvement des Travailleurs Ruraux Sans-Terre, transforme le territoire en occupant les terres improductives et en luttant pour transformer les latifùndios en assentamentos. Les sans-terre se resocialisent en brisant les cercles de l’exclusion, ils imposent une réforme agraire, avec son lot de violences et de combats judiciaires et s’opposent au néolibéralisme. Le livre est riche de témoignages, de documents et de statistiques.

À la Bpi, niveau 3, 914(82) MAR

couverture Migrants en Guyane

Migrants en Guyane

Piantoni, Frédéric
Actes Sud ; Musée des cultures guyanaises, 2011

Dans ce catalogue d’exposition réalisé dans le cadre de l’année des outre-mer en France, Frédéric Piantoni, géographe et photographe nous propose une série de portraits d’immigrés réalisés entre 2006 et 2010, en Guyane française et sur ses marges (rives surinamienne et brésilienne). A chaque photographie sont attachés une biographie inachevée et le bref récit d’un parcours migratoire. Un texte sur la réalité migratoire en Guyane contextualise les images.

À la Bpi, niveau 3, 914(863) PIA

Pionniers brésiliens au Paraguay

Pionniers brésiliens au Paraguay

Sylvain Souchaud
Karthala, 2002

Les pionniers brésiliens, sur leur lancée, ont traversé dans les années 1960-1970 le rio Paranà et se sont installés dans la forêt tropicale du Paraguay oriental. Actuellement les « brésilguayens » sont probablement un demi million, dans un pays où ils représentent près du dixième de la population. L’Etat paraguayen voit avec complaisance la percée pionnière de Brésiliens. Les colons ont apporté une modernisation de l’agriculture et introduit la culture intensive du soja : aujourd’hui, le Paraguay en est l’un des sept principaux producteurs à l’échelle mondiale. Mais cette marge frontalière est le lieu de fortes ségrégations inter-communautaires dans un pays où la question foncière est sous tension, la production dépend de marchés internationaux versatiles, de nombreux colons sont illégaux et le couvert forestier est dégradé à près de 80 %. Cet espace frontalier aux contours flous reflète bien la complexité de la construction régionale dans le Mercosur.

À la Bpi, niveau 3, 914(87) SOU

Le géographe Raymond Pébayle, spécialiste reconnu du Brésil, a analysé ce phénomène original dans un article de la Revue européenne de migrations internationales de 1994 (Vol. 10 N°2. pp 73-86) accessible dans Persée et intitulé : Les Brésilguayens, migrants brésiliens au Paraguay.

couverture Sortir de a longue nuit

Sortir de la longue nuit : Indiens d'Amérique latine

Patrick Bard, Marie-Berthe Ferrer
Albin Michel, 2012

Voyage photographique et littéraire, de la Californie jusqu’au Chili.

À la Bpi, niveau 3, 914(8) BAR

couverture Vies et Luttes

Vie et luttes des sans terre au sud du Brésil : une occupation au Parana

Susana Bleil
Karthala, 2012

L’auteure, sociologue brésilienne, retrace l’occupation d’une terre par seize familles sans-terre. Elle en brosse le contexte intellectuel : les influences spirituelles de tout un courant de l’Eglise catholique du Brésil (avec les grandes figures qui l’ont porté, les évêques Pedro Casaldàliga et Helder Càmara, le théologien franciscain Leonardo Boff, le dominicain Frei Betto) ainsi que les références politiques (le marxisme) et même pédagogiques (Paulo Freire). De 2000 à 2003, elle suit l’évolution de cette communauté humaine organisée en coopérative agricole (COPAVI), qui gagne progressivement la confiance des habitants de la ville voisine, au début hostiles à leur occupation. Elle termine par l’analyse de la pratique quasi religieuse de la mistica, sorte de fête de la mémoire à l’occasion du dixième anniversaire de leur communauté.

À la Bpi, niveau 3, 914(82) BLE

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