Sélection

Appartient au dossier : Panorama de la littérature germanique contemporaine

Le roman de formation aujourd’hui

Bildungsroman, Entwicklungsroman, Künstlerroman… sont autant de termes qui définissent un pan entier de la littérature germanique, traduits communément en français par les expressions “roman de formation”, “roman d’éducation” ou “roman d’apprentissage”.

Le roman de formation naît en Allemagne au 18siècle, avec l’ouvrage de Johann Wolfgang Goethe, Les années d’apprentissage de Wilhelm Meister (1795), qui narre “le processus de développement spirituel, intellectuel et moral, qui amène un individu à prendre conscience de son identité” (Wilhelm Vosskamp, « La Bildung dans la tradition de la pensée utopique », Philologiques I, dir. M. Espagne et M. Werner, Maison des Sciences de l’Homme, 1990, p. 4). Par opposition à la littérature d’évasion, le roman d’apprentissage donne à voir le cheminement d’un héros jusqu’à ce qu’il atteigne l’idéal de l’homme accompli et cultivé. C’est ainsi la capacité de perfectionnement de l’homme qui est célébrée. Particulièrement populaire en Allemagne (Thomas Mann et Hermann Hesse en sont d’éminents représentants), ce genre littéraire continue de séduire les auteurs les plus contemporains, comme Daniel Kehlmann, Eugen Ruge ou Arno Geiger, souvent pour le meilleur.
 

« La plus belle qualité de l’Allemand, sa plus fameuse, celle dont il se flatte sans doute le plus volontiers, c’est son intériorité. Ce n’est pas un hasard s’il a offert au monde ce genre artistique intellectuel et hautement humain qu’est le roman d’éducation, qu’il oppose au type romanesque de la critique sociale occidentale, en le présentant comme sa création la plus intime, et qui est toujours aussi une autobiographie, une confession ».
Thomas Mann, Geist und Wesen der deutschen Republik, 1923

Publié le 15/10/2017 - CC BY-SA 3.0 FR

Sélection de références

Autoportrait à l'hippopotame

Arno Geiger
Gallimard, 2017

Julian, vingt-deux ans, est étudiant en sciences vétérinaires. Au début de l’été, Judith “sa merveilleuse Judith” le quitte. Il n’y a pas vraiment de raison, il n’y a pas vraiment de coupable : la vie fait que. Désabusé et sans argent, il rencontre Tibor, qui lui propose un travail quelque peu original : l’aider à prendre soin d’un hippopotame femelle nain, qui a élu domicile pour quelques mois chez le Dr Beham, ancien recteur de la faculté. En acceptant, Julian va vivre de nouvelles aventures amoureuses et amicales.

Dans Autoportrait à l’hippopotame, l’auteur parvient à restituer une atmosphère réellement “adolescente”, empreinte de questionnements existentiels, de regrets autour du premier amour perdu, d’amitiés viriles, de colocations embrouillées… On suit le cheminement d’un jeune homme qui comprend qu’”au-delà du toit nul ne connaît le chemin”. L’image de l’hippopotame plane au-dessus de la narration, rappelant le sauvage jamais dompté, mais aussi la lenteur, le poids et les rituels de ce long fleuve “tranquille” qu’est la vie d’adulte. Arno Geiger, auteur autrichien renommé, nous ramène à ces moments essentiels de l’existence où “il ne s’agi[t] pas tant de vouloir que de se sentir capable ». Il signe un livre magistralement orchestré, d’une rare beauté.

À la Bpi, niveau 3, 831 GEIG 4 SE

Les arpenteurs du monde

Daniel Kehlmann
Actes Sud, 2007

Dans Les arpenteurs du monde, Daniel Kehlmann livre les biographies romancées de deux scientifiques de renom : Alexander von Humboldt, géographe naturaliste et Carl Friedrich Gauss, mathématicien. En relatant leurs voyages d’études au cœur de la forêt amazonienne ou dans les moindres recoins de l’Allemagne, il nous raconte le parcours de deux hommes qui se cherchent une place dans le monde à mesure de leurs découvertes. Leurs points de vue croisés dévoilent deux personnages hauts en couleur, Gauss avec ses faux airs de Monsieur Scrooge et Humboldt aux allures de Dorian Gray.

Ce roman, finaliste du prix du livre allemand en 2005, a connu un important succès de librairie. Il a également bénéficié d’une adaptation cinématographique par le réalisateur allemand Detlev Buck en 2012.

(Chronique réalisée par Camille Hebeisen, dans le cadre des travaux d’étudiants de l’IUT Métiers du Livre/Paris Descartes)

À la Bpi, niveau 3, 830″20″ KEHL 4 VE

Quand la lumière décline

Eugen Ruge
Editions les Escales, 2012

Au début des années 2000, Alexander se sait atteint d’une maladie incurable. Fuyant cette réalité qu’il ne peut accepter comme il a fui la RDA pour l’Ouest, il se penche sur l’histoire de sa famille. Il y a Charlotte et Wilhelm, les grands-parents, communistes fervents exilés au Mexique dans les années 1950 et qui attendent impatiemment de rentrer en Allemagne pour construire avec le parti une RDA à la hauteur de leurs idéaux. Il y a Kurt et Irina, les parents. Le premier a survécu au goulag stalinien et est devenu un professeur éminent, tandis que la seconde a combattu aux côtés de l’armée stalinienne et s’est réfugiée dans l’alcool. Il y a Nadejda Ivanovna, la grand-mère russe, qui ne s’habitue pas à la vie en Allemagne, et Marcus, le fils désabusé, dont l’enfance a été marquée par un pays divisé et un père absent.

Des températures glaciales de Slava en Russie aux chaudes plages de la côte Pacifique au Mexique, en passant par Berlin, ce récit polyphonique est un foisonnant voyage dans l’histoire contemporaine à travers trois générations. Premier roman d’Eugen Ruge, Quand la lumière décline a remporté en 2001 le Deutscher Buchpreis, équivalent du prix Goncourt Outre-Rhin.

(Chronique réalisée par Nayeli Denizeau, dans le cadre des travaux d’étudiants de l’IUT Métiers du Livre/Paris Descartes)

À la Bpi, niveau 3, 830 « 20 » RUGE 4 IN

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