Portrait

Dalou, le sculpteur de la République
au Petit Palais et au musée Cognac-Jay

Le sculpteur Jules Dalou décoré par le président Émile Loubet (1899). [Public domain], Wikimedia Commons

Pour la première fois, Jules Dalou (1838-1902) fait l’objet d’une exposition magistrale qui se déroule à la fois au Petit Palais et au Musée Cognacq-Jay. Cette exceptionnelle rétrospective se déroule du 18 avril au 13 juillet 2013. Plus de 300 œuvres (sculptures, peintures, dessins, etc.) vont nous permettre de mieux le connaître et de découvrir son évolution artistique. Une manière éclatante de repositionner Dalou qui révolutionne l’art de la sculpture du 19e siècle à l’égal d’un Carpeaux, d’un Rude ou d’un Rodin.

Sommaire

La jeunesse et l’apprentissage

Aimé-Jules Dalou, plus connu sous le nom de Jules Dalou, naît à Paris en Décembre 1838. Ses origines sont modestes. Ses parents l’élèvent dans la laïcité et l’amour de la République. Une éducation qui va l’influencer fortement dans ses convictions politiques et dans ses œuvres.

Très tôt, Dalou se révèle doué pour le modelage et le dessin. En 1854, il se fait remarquer par Carpeaux. Sculpteur réputé du Second Empire et auteur du groupe de la Danse qui orne la façade sud de l’Opéra Garnier,  Jean-Baptiste Carpeaux conseille à Dalou, âgé de 16 ans, de s’inscrire à la Petite École, future École nationale supérieure des arts décoratifs. Dalou y apprend les rudiments de la peinture et de la sculpture. Il collabore aussi avec des ornemanistes qui sont des artistes ou des artisans réalisant des ornements. A cette époque, il fait la connaissance de Rodi avec lequel il entretient une amitié indéfectible.

sculpture de Dalou par Rodin
Dalou par Auguste Rodin, Musée d’Art et d’Industrie de Roubaix, département du Nord, France , [CC-BY-SA-3.0], Wikimedia Commons

Sous le Second Empire, Paris se transforme en un vaste chantier. C’est à cette période que Dalou acquiert son expérience de sculpteur
en travaillant dans le domaine de l’architecture et la décoration des immeubles haussmanniens comme l’hôtel particulier sur les Champs Elysées d’une célèbre courtisane, Esther Lachmann, marquise de Païva, dite « la Païva ». Il peaufine son éducation artistique avec les frères Fannière, brillants orfèvres et bijoutiers du Second Empire et de la 3e République.
Malgré ses talents, Dalou se voit refusé quatre fois au Prix de Rome, d’où sa haine pour tout pouvoir institutionnel. Malgré tout, l’Etat lui achète deux sculptures : Daphnis et Chloé et La Brodeuse.
En 1866, Dalou épouse Irma Vuillier, une femme au caractère bien trempé qui va le soutenir toute sa vie. Il devient père d’une fille prénommée Georgette, handicapée mentale profonde dont l’état de santé nécessitera une aide médicale constante jusqu’à sa mort en 1915.

L’exil

Paris s’enflamme sous la Commune en 1871. À la tête de la Fédération des Artistes de la Commune de Paris, Gustave Courbet nomme Dalou administrateur provisoire adjoint au directeur du musée du Louvre, Barbey de Jouy. Il a pour mission de protéger les collections du vandalisme. Taxé de communard, Dalou s’exile avec sa famille à Londres où ses débuts sont difficiles.

Fontaine de Dalou à Londres
Le fontaine Charity, Londres, photographie de Justinc, [CC-BY-SA-3.0] Wikimedia Commons


Grâce à un condisciple de la Petite École, Alphonse Legros, Dalou est introduit à la City. À partir de là, des commandes pleuvent. Il sculpte des paysannes, des scènes d’intérieurs inspirées du 18e siècle (La Liseuse, La Berceuse) pour l’aristocratie anglaise. Il crée un monument dédié aux petits-enfants de la reine Victoria  morts en bas-âge qui est exposé dans une chapelle au Château de Windsor. Il est nommé professeur de modelage à la National Art Training School – South Kensington (Royal College of Art depuis 1896) puis très brièvement à la South London School of Technical Art (Lambeth). Il devient le chef de file d’une approche nouvelle des techniques de sculpture que l’on appelle The New Sculpture (la nouvelle sculpture), alliant la sculpture à l’architecture. Une fontaine publique installée derrière le Royal Exchange et intitulée Charity (Charité) constitue sa première commande publique londonienne.

Le retour en France

En 1874, Dalou est condamné par contumace aux travaux forcés et à perpétuité à cause de son passé de communard. Heureusement amnistié en 1879 sous la présidence de Jules Grévy, il revient en France. C’est sous la 3e République que Dalou conçoit la plupart des sculptures monumentales qui ornent les places, les jardins, les ponts, les lieux publics de Paris : Le Triomphe de Silène au jardin du Luxembourg, des bustes comme Charcot à l’Académie nationale de médecine, Lazare Hoche à Quiberon ou encore le monument de Sidi Brahim à Oran.

Séptulture de Victor Noir sculptée par Dalou
Sépulture de Victor Noir (1848-1870) par Jules Dalou au cimetière du Père Lachaise à Paris [Public domain], Wikimedia Commons

Au cimetière du Père Lachaise, la célèbre sépulture de Victor Noir est aussi son œuvre. Amoureux fou de Paris, il ne cesse jamais de l’embellir. Aujourd’hui encore, il est possible d’admirer ses sculptures qui échappent souvent aux regards des passants.

La gloire

Après de pénibles années au retour de son exil vers 1880-1892, fuyant les mondanités, privilégiant la douceur familiale, Dalou continue à travailler pour des commandes officielles, des bustes, des allégories. Il est reconnu enfin comme un grand sculpteur de la 3e République.

Dalou dans son atelier
Dalou dans son atelier en 1899, Wormser [Public domain], Wikimedia Commons

Dalou est couvert de gloire et d’honneurs. Il reçoit de nombreux prix et est nommé chevalier de la Légion d’honneur en 1883, puis officier par le président Carnot en 1889. Il est fait commandeur du même ordre en 1899 par le président Loubet lors de l’inauguration du groupe Le Triomphe de la République, Place de la Nation, qu’il met plus de vingt ans à réaliser.
En tant que communard, Dalou se considère comme un artiste engagé, célébrant la République depuis son origine c’est-à-dire depuis la Révolution. Ce qui se remarque dans ses monuments publics.

Sculpture représentant une liseuse
La Liseuse de Jules Dalou, photographie d’Adolphe Giraudon, [Public domain], Wikimedia Commons

Parallèlement à ses créations officielles, il s’inspire du gracieux 18e siècle pour des scènes intimes, d’enfants, d’allégories ou mythologiques. Il voue une grande admiration aux sculpteurs Houdon et Falconet et au peintre Boucher.

Dalou a un projet qui lui tient à cœur : glorifier le travail manuel en élevant le Monument aux ouvriers (connu aussi sous le titre le Monument aux travailleurs). Il n’aura pas le temps de le mener à bien  pour diverses raisons. Mais nous pouvons en avoir une idée grâce à ses nombreuses esquisses en terre cuite ou en plâtre créées comme le groupe du Monument aux ouvriers ou des détails saisissants de réalisme comme le Grand paysan, la  Moissonneuse. Certaines épreuves vont être éditées par la Manufacture de Sèvres, les Maisons Hébrard et Susse frères.

Dalou s’éteint à l’aube du 20e siècle en 1902 à Paris. Il repose au cimetière du Montparnasse. En reconnaissance du corps médical qui a soigné sa fille handicapée, Dalou lègue son atelier à l’Orphelinat des Arts ; ce qui va permettre aux chercheurs d’étudier ses œuvres qui vont être acquises par la Ville de Paris en 1905.

Monument aux travailleurs
Projet du Monument aux Travailleurs de Jules Dalou, photographie d’Adolphe Giraudon, [Public domain], Wikimedia Commons

Malgré les honneurs et son talent évident, Dalou ne connaît pas vraiment de carrière éblouissante comme celle de Rodin qui éclipsera la majorité des sculpteurs de la fin du 19esiècle.

Selon Maurice Rheims, « Découvrir Dalou, c’est enrichir notre vision dans le domaine de la statuaire, c’est ratifier que la France au 19e siècle ne le céda en rien à Florence et à Rome au temps de la Renaissance ».
Il est à espérer que sa grande et magnifique rétrospective comble cette lacune, le réhabilite et le sorte de l’oubli définitivement pour le remettre à sa juste valeur. Une belle occasion de le (re)découvrir et de (re)voir ses œuvres monumentales ou intimistes en allant au Petit Palais et au Musée Cognacq-Jay ou bien en déambulant dans Paris pour admirer ses créations aux formes et aux sujets multiples et enchanteurs.

Lieux d’exposition :

Bien que le Petit Palais possède la quasi totalité des œuvres de Dalou, sculpteur de la 3e République, il est possible d’en admirer dans ces trois principaux musées : à  Paris, au Musée d’Orsay, à Londres, au Victoria & Albert Museum, à New York, au Metropolitan museum of art.

Complément de lecture et sitographies :

La production éditoriale sur ce sculpteur est presque inexistante. La Bpi possède quelques titres disponibles à la cote 70″18″ DALO 2, au 3e niveau, derrière le bureau d’information Arts, Loisirs et Sports.

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Publié le 15/05/2013

Sélection de références

Couverture du livre original

Dalou : sa vie et son oeuvre

Maurice Dreyfous
Librairie Renouard : H. Laurens, 1903

Première biographie consacrée au sculpteur de la 3e République, l’ouvrage est considéré comme une référence incontournable.
Ce livre électronique est consultable en ligne sur archive.com

Dalou à Paris

Amélie Simier,Daniel Imbert, Guénola Groud
Paris-Musées, 2010

Petit guide intéressant pour découvrir les monuments créés par le sculpteur suite à des commandes de la Ville de Paris. Contient un plan avec les lieux de ses œuvres.

À la Bpi, niveau 3, 70″18″ DALO 2

Jules Dalou : 1838-1902 ; Exposition. Paris, Galerie Delestre, 1976

coll.
Galerie Delestre, 1976

Sélection d’œuvres en bronze sauf trois en plâtre exposées à la Galerie Delestre.

Jules Dalou, le sculpteur de la République : catalogue des sculptures de Jules Dalou conservées au Petit Palais

Amélie Simier, Marine Kisiel
Paris-Musées, 2013

Magnifiquement illustré et bien documenté, ce catalogue accompagne les expositions au Petit Palais et au Musée Cognacq-Jay du 18 avril au 13 juillet 2013. Les créations de Dalou appartenant au Petit Palais sont expliquées avec historique, sources, bibliographie, annexes, etc. à l’appui.

Exposition de Jules Dalou au Petit Palais

Dalou (1838-1902) au Petit Palais

Le Petit Palais possède la plupart des oeuvres de Dalou provenant de son atelier acquis par la Ville de Paris en 1905. L’exposition déroule un panorama sans précédent de la création du sculpteur et retrace l’évolution de sa carrière.

Le site du Petit Palais, Musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris (France) présente l’histoire du bâtiment, les collections de l’antiquité à 1920, expositions, activités culturelles et pédagogiques, concerts et conférences, événements, infos pratiques, café et librairie, la programmation de l’auditorium, location d’espaces et billetterie en ligne

accéder au site de la Païva

Dalou chez la Païva

Au 25, avenue des Champs Elysées, l’hôtel particulier de Esther Lachman, connue sous le nom de la Païva, conserve encore aujourd’hui une décoration intérieure style Napoléon III dans son jus. De nombreux artistes du 19e siècle y ont contribué. Parmi eux,  Dalou qui a sculpté quelques pièces qui ornent plafonds, cheminées, etc. au rez-de-chaussée de l’Hôtel de la Païva
L’hôtel de la Païva contient des sculptures de Dalou réalisées pour la propriétaire.

Dalou au Musée Cognacq-Jay

Dalou, regards sur le XVIIIe siècle au Musée Cognacq-Jay

Le Musée Cognacq-Jay accueille quelques œuvres de ce sculpteur du 19e siècle et les compare avec ses propres collections du 18e siècle dont elles sont inspirées. L’exposition démontre comment Dalou, bien que républicain convaincu, réinterprète l’héritage de l’Ancien Régime.

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