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Appartient au dossier : 1947-2017 : 70 ans de la Maison Dior

La Haute Couture selon Christian Dior

Grâce à Christian Dior, la Haute Couture va connaître un bouleversement radical. Christian Dior imagine une nouvelle apparence féminine, une nouvelle silhouette. Ses défilés mettront en valeur l’originale beauté de ses modèles. Dior conçoit ses robes comme un architecte (qu’il rêvait être).
 

« Je peux avouer qu’à la veille de la première collection, celle du New Look, si on m’avait demandé ce que j’avais fait et ce que j’en espérais, je n’aurais certainement pas parlé de révolution. Je ne pouvais pas prévoir l’accueil qui lui serait fait, tant je l’avais peu imaginé, ayant seulement essayé de réaliser de mon mieux. »
christian Dior.

La naissance du New Look

Tailleur Bar de Dior
Ensemble Bar, collection Haute Couture printemps-été 1947, ligne Corolle, © Photo Nicholas Alan Cope (avec l’aimable autorisation du Musée des Arts décoratifs)

Considéré comme le Watteau des couturiers selon Cecil Beaton, Christian Dior conçoit en 1947 une collection qui va bouleverser radicalement la silhouette féminine et connaître un succès sans précédent. Parmi les modèles présentés lors du premier défilé, le 12 février 1947, le tailleur « Bar », composé d’une veste en shantung crème et d’une jupe plissée en laine noire, va devenir une icône emblématique de l’esprit Dior. En ce temps-là, les femmes aisées changeaient plusieurs fois de toilettes dans la journée : toilette du matin, toilette de promenade, toilette de visite, toilette d’intérieur, toilette de cocktail, toilette du soir, toilette du bal. C’est en voyant les jeunes filles entrer au Plaza Athénée en face de sa maison de couture pour prendre un cocktail que Christian Dior décide de baptiser son tailleur « Bar ».
Cette première collection est un succès. Carmel Snow, journaliste américaine de la revue Harper’s Bazaar, s’exclame : « Dear Christian Dior, your dresses have a such a new look ». À partir de cette date, le couturier va concevoir de remarquables toilettes en renouvelant leurs lignes à chaque saison. Son rêve : « Rendre les femmes plus belles et plus heureuses ». La romancière Nancy Mitford, la première anglaise à choisir le New Look, raconte : « Je suis restée debout pendant deux heures tandis que l’on m’enveloppait dans de larges pans de ouate et que l’on réalisait un manteau à partir du patron ainsi obtenu. À cinquante ans, j’ai décidé d’adopter un style et d’y rester fidèle et j’ai choisi la présente collection de Dior. Tout simplement parfaite à mes yeux ».
Cependant, le New Look ne plaît pas à tout le monde. Ceux et celles qui, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, ont souffert de privations le rejettent et le jugent trop extravagant. Lors des séances de photos dans le quartier de la rue Lepic à Paris, les mannequins portant du Dior se font agresser et insulter par des commerçantes : des cris « Brûlons Dior » fusent. Cette violente réaction se fait aussi sentir aux Etats-Unis et en Angleterre où une femme proclame : « le New Look est un caprice de gens oisifs ».
On reproche à Dior d’utiliser un métrage excessif d’étoffes pour créer ses modèles, surtout ceux des jupes plissées (20 / 30 m, voire plus) ou des traines de robes de bal. Mais grâce à lui et à Marcel Boussac, l’industrie textile est relancée après des années de pénurie sous l’Occupation.
Le couturier diversifie ses activités en concevant des accessoires : sacs, lingerie, chaussures, parfums. Pour les chaussures, Dior fait appel à Roger Vivier, chausseur connu pour son talon Aiguille et Virgule. Christian Dior l’autorise à accoler son nom au sien. Pour son couronnement en 1953, la reine Elizabeth d’Angleterre demande à Roger Vivier de lui réaliser une paire de chaussures. Il les exécute avec des talons en chevreau doré semés de grenats.
Malgré ses nombreuses activités, Christian Dior voyage beaucoup, pour faire connaître son nom à l’étranger, ouvrir des succursales de prêt-à-porter ou créer des licences pour éviter les copies de ses créations. Il profite de ces voyages pour observer les coutumes de chaque pays, il s’en inspire ensuite pour imaginer une garde-robe destinée à des clientes étrangères ou françaises.
Sa soudaine disparition en 1957 provoque une grande émotion, partout dans le monde. Etoile filante de la haute couture, il a, en dix ans, radicalement changé les codes de la mode. Parmi les grands couturiers : Patou, Balenciaga, Nina Ricci, Lanvin etc. Christian Dior reste un créateur inégalé. Jean Cocteau disait de lui : « Ce génie léger, propre à notre temps, dont le nom magique comporte Dieu et or ».

Les silhouettes Dior 

Robe Dior
Robe Opéra bouffe, Haute Couture automne-hiver 1956, ligne Aimant © Photo Les Arts Décoratifs / Nicholas Alan Cope (avec l’aimable autorisation du Musée des Arts décoratifs)

Si la notion de silhouettes existait dans le monde de la couture avant l’arrivée de Christian Dior, c’est lui qui en fait un concept central. A chaque nouvelle collection, il crée une nouvelle ligne. Selon le type morphologique, la silhouette prend le nom d’une lettre : A, H ou Y. Le couturier imagine de nouvelles silhouettes appelées Corolle et En 8, Envol, Zig Zag, Ailée, Trompe l’œil, Milieu du Siècle, Verticale, Oblique, Naturelle, Longue, Sinueuse, Profilée, Tulipe, Vivante, Muguet, Flèche, Aimant, Libre et Fuseau.

Parmi ces silhouettes, on en distingue principalement trois :
La première, de 1947 à 1950, s’appelle Corolle et En 8. Le nom évoque la forme épanouie des fleurs, le tailleur « Bar » en est un exemple. Pour structurer ces lignes, Christian Dior utilise parfois des artifices. Guêpières, corsets ou baleines arrondissent la poitrine, affinent la taille à l’extrême et galbent les hanches de la femme comme sous le Second Empire, au temps des crinolines.
La seconde, de 1950 à 1953, est caractérisée par des courbes moins voluptueuses. La taille et les hanches sont moins marquées.
La troisième, de 1954 à 1957, correspond à la ligne H, surnommée « Haricot vert » ou « Flat look ». La taille semble disparaître et les courbes sont sensiblement gommées.

« Une robe telle que je la conçois est une architecture éphémère destinée à exalter les proportions du corps féminin. »

christian Dior.

Les défilés

Défilé chez Dior
Le mannequin Victoire porte la robe Curaçao, collection Haute Couture automne-hiver 1954, ligne H. © Photo Mark Shaw, courtesy of mptvimages.com

De nos jours, les défilés se déroulent dans des lieux spacieux, le Grand Palais, le Centre Georges Pompidou, voire des sites « industriels » ou des parkings selon la personnalité des couturiers.

À l’époque de Dior, les défilés s’organisaient dans les salons des maisons de couture des grands couturiers ou dans des hôtels particuliers aux murs lambrissés et éclairés par des lustres en cristal. Les mannequins portaient de petits cartons avec des numéros. Ces jeunes femmes déambulaient lentement entre les chaises dorées où étaient assis les invités triés sur le volet : les clientes, les journalistes de mode. Les défilés duraient de longues heures. Il y avait 150 à 200 modèles. Dans ces salons surchauffés, sur les chaises peu confortables, le public s’éventait avec un éventail ou un carton d’invitation, s’assoupissait parfois. Pour « réveiller » l’assistance, Christian Dior se servait de modèles surprenants ou d’une couleur vive comme le rouge, évoquant le théâtre ou l’opéra. Ces modèles s’appellent « Trafalgar ». Dior réglait ses défilés comme un spectacle.

Lors de sa conférence à la Sorbonne en 1948, Christian Dior avoue avoir rêvé d’être architecte. Il explique les correspondances entre le métier de couturier et celui d’architecte, car « ce n’est pas un vain mot de parler de l’architecture d’une robe ». Voici un extrait :

Publié le 04/07/2017 - CC BY-NC-ND 3.0 FR

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