Sélection

Appartient au dossier : Panorama de la littérature germanique contemporaine

Quelques incontournables de la littérature allemande contemporaine

La sélection d’ouvrages proposée ici s’appuie à la fois sur le travail des bibliothécaires et des étudiants de l’IUT Paris-Descartes, dans le cadre de leur licence métiers du livre.

Chacun a choisi un roman, qu’il a ensuite commenté à la lumière de sa lecture. ​Voici quelques-unes de nos meilleures Buchbesprechungen (notes de lecture).

Publié le 22/07/2016 - CC BY-SA 3.0 FR

Sélection de références

Fuck America : les aveux de Bronsky

Edgar Hilsenrath
Attila, 2009

Sans travail, sans ami et sans argent, Jakob Bronsky ne connait pas « l’American dream » des années 1950. Emigré juif qui a réussi à survivre aux ghettos nazis, la désillusion d’une vie prospère aux Etats-Unis est vite arrivée. Solitude, chômage, prostitution, les failles de la société américaine sont mises en avant et tournées en dérision par l’auteur. Bronsky ne veut pas travailler. Il veut écrire son livre, Le Branleur, et profiter de la vie avec les deux dollars qui lui restent. Il enchaîne les petits boulots, les coups d’un soir et les combines pour pouvoir se nourrir et continuer à écrire sur les ghettos.

À travers le personnage de Jakob Bronsky, l’auteur romance une partie de sa vie. Son humour noir et piquant permet de relativiser l’image d’une Amérique idéale. Edgar Hilsenrath montre le ridicule des lois des quotas des années 1921 et 1924 qui ont empêché sa famille d’émigrer dans les années 1930 alors que la guerre se profilait : « A l’époque où nous avions besoin de l’Amérique, les portes étaient fermées. Aujourd’hui, nous n’avons plus besoin d’elle ». Il décrit le fossé qui sépare les étrangers vus comme des rebuts de la société de ceux qui suivent les codes formels du rêve américain et s’insèrent dans le moule. La facilité avec laquelle l’auteur nous livre ses ambitions déçues, ses fantasmes et ses rêves à travers des situations cocasses et des dialogues loufoques permet au lecteur d’avoir une vision différente de l’Amérique des années 1950. La force de l’auteur est d’avoir rassemblé dans un même ouvrage tous les maux de la société américaine, glissés dans un récit qui mêle réalisme, inventions et ironie face à la Shoah. Très controversé en Allemagne à cause de son point de vue sur la Shoah, l’auteur est d’abord publié aux Etats-Unis, Fuck America ne sort en Allemagne qu’en 1979.

(Chronique réalisée par Fanélie Baldy, dans le cadre des travaux d’étudiants de l’IUT Métiers du Livre/Paris Descartes)

À la Bpi, niveau 3, 830″19″ HILS 4 FU

La Neige de Saint Pierre

Leo Perutz
Fayard, 1987

Etendu sur un lit d’hôpital, Georg Friedrich Amberg, jeune docteur au service du Comte Malchin, se réveille de plusieurs semaines de coma. Selon ce qu’on lui rapporte, il aurait été percuté par une voiture, alors qu’il se rendait dans le village de Morwede, où il était attendu pour soigner les villageois. Pourtant, le docteur se souvient bien s’y être rendu et avoir rencontré les habitants. Il croit aussi reconnaître le personnel de la clinique, qui aurait quelque chose à voir avec le drame. La puissante drogue inventée par le Comte pour restaurer la ferveur religieuse des villageois aurait-elle un rapport avec les événements ? Entre cauchemar et hallucinations, la vérité semble se dérober…

Né en 1882 à Prague, Léo Perutz livre un thriller captivant, à la frontière de la raison et de la folie, où se mêlent manipulation et conquête du pouvoir. Paru en pleine ascension du nazisme, La Neige de Saint-Pierre, œuvre d’un écrivain juif, fut interdit par le régime en 1933. Léo Perutz dut fuir l’Autriche en 1938 et émigra à Tel Aviv. Ses ouvrages n’ont de cesse d’explorer la frontière poreuse entre le réel et l’imaginaire. L’écrivain argentin Jorge Luis Borges participera à la redécouverte de cet auteur majeur, qu’il considérait comme un “Kafka aventureux”.

À la Bpi, niveau 3, 831 PERU 4 ST

La Panne

La Panne

Friedrich Dürrenmatt
Zoé, 1994

Tout commence par un incident, un incident technique. Une panne de voiture, au pied d’un petit coteau isolé, par une douce soirée d’été. Evénement anodin s’il en est. Notre héros, Alfredo Traps, commercial quadragénaire emprunt de bonhomie, se résout alors non sans plaisir à passer la nuit sur place. Excité par la perspective d’une soirée aventureuse, il accepte l’invitation d’un juge à la retraite à passer la nuit chez lui. Il dîne avec deux amis du magistrat : un procureur et un avocat. Durant leurs dîners, les trois comparses aiment jouer à constituer des procès. Invité à jouer l’accusé, Alfredo entame la meilleure soirée de sa vie.

Auteur incontournable de la littérature suisse-allemande contemporaine, Friedrich Dürrenmatt exalte les passions humaines et exhume les noirceurs de l’âme sur fond de rhétorique juridique, le tout mâtiné d’une bonne dose de cynisme et d’humour noir. De l’interrogatoire au réquisitoire, c’est dans le cadre d’une ambiance chaleureuse, portée par la bonne chair, les bons vins et des protagonistes hauts en couleur que le jeu se déroule. Les amateurs de grandiloquence se régaleront des joutes oratoires, de la richesse du vocabulaire et de la finesse de la mise en scène. Publié en 1956, La Panne devint une pièce radiophonique, puis un film La piu bella serata della mia vita (1972) d’Ettore Scola, avec au casting Alberto Sordi, Michel Simon et Charles Vanel.

(Chronique réalisée par Margaux Hauc, dans le cadre des travaux d’étudiants de l’IUT Métiers du Livre/ Paris Descartes.)

À la Bpi, niveau 3, 832 DURR 2

 

Le Liseur

Le Liseur

Bernhard Schlink
Gallimard, 1996

Né en Allemagne en 1944, Bernhard Schlink appartient à la génération d’après-guerre fortement marquée par l’histoire de son pays. En 1995, il publie Le Liseur, qui devient un bestseller mondial traduit en trente-neuf langues. Son roman lui vaut néanmoins les foudres de l’essayiste Cynthia Ozick, qui lui reproche d’avoir disculpé son héroïne Hanna Schmitz en la rendant analphabète.

Le Liseur est en effet un roman ambigu : après avoir refermé le livre, nous ne savons qui sont les bonnes et les mauvaises personnes, si nous devons les comprendre ou les condamner. L’histoire soulève, avec une écriture simple, de multiples questions sans pour autant y répondre. Ce récit initie à la réflexion sur divers sujets : la justice, la culpabilité, le pardon, les lourdes répercussions d’un secret ou d’un premier amour, l’attitude parfois ambivalente des Allemands durant l’Hitlérisme et après l’Holocauste. Dans ce roman à la fois poignant et déstabilisant, Bernhard Schlink nous décrit toute la complexité liée à l’après-guerre. En 2009, l’œuvre est adaptée au cinéma par Stephen Daldry, avec Kate Winslet dans le rôle principal.

(Chronique réalisée par Alice Baudin, dans le cadre des travaux d’étudiants de l’IUT Métiers du Livre/Paris Descartes)

A la Bpi, niveau 3, 830″19″ SCHL.B 4 VO

Le tambour

Le Tambour

Grass, Günter
Seuil, 1961

Provocateur et anticonformiste, Günter Grass fait partie des romanciers les plus singuliers de l’Allemagne d’après-guerre, couronné par le prix Nobel de littérature en 1999.

Son premier roman, Le Tambour, narre les aventures du jeune Oscar Matzerath, qui décide d’arrêter de grandir le jour de ses trois ans. Au son des battements de son tambour, il dépeint les évènements qui agitent sa ville des années 1930 aux années 1950, dans une atmosphère grotesque et mystérieuse. A hauteur d’enfant, Günter Grass observe l’histoire sous un autre angle, pointant du doigt le « fascisme ordinaire » et le comportement de la petite bourgeoisie allemande face aux actions des nazis.

(Chronique réalisée par Claire Royer, dans le cadre des travaux d’étudiants de l’IUT Métiers du Livre/Paris Descartes)

À la Bpi, niveau 3, 830″19″ GRAS 4 BL

Les Emigrants

Les Emigrants

W. G. Sebald
Actes Sud, 1999

S’il est une œuvre hantée par la destruction et ses fantômes, c’est sûrement celle de W. G. Sebald, qui restitue avec une rare puissance le souvenir des disparus. Ses livres sont autant d’objets inclassables, mêlant montage de textes et d’images, véritables révélateurs d’une mémoire oubliée.

Les Emigrants est à la fois le récit et le fruit de cette saisissante machine à explorer le temps. A partir de traces minutieusement recueillies, l’écrivain raconte le destin de quatre personnages marqués par l’exil et la disparition. La matière de cette reconstruction, ce sont les témoignages, les images et les lieux, qui forment peu à peu la carte sensible de ces vies déracinées. Ces histoires singulières sont tissées de souffrances, de déchirements, de silences. En donnant une voix à ces hommes jetés à travers l’Europe, Les Emigrants télescope les époques comme les territoires, et résonne particulièrement aujourd’hui.

À la Bpi, niveau 3, 830″19″ SEBA 4 AU

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