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Faut-il supprimer les frontières ?

Le Tribunal pour les générations futures ® organisé à la Bpi en novembre 2019 dans le cadre du Festival des idées se propose de réfléchir à la problématique de la suppression des frontières. Quatre témoins se succèdent à la barre et exposent leur conception des frontières nationales et internationales. Les notions d’arbitrarité des frontières, d’attribution légale ou illégale, de légitimité et d’autodétermination sont abordées.

L’idée de frontière engendre de l’arbitraire selon Astrid von Busekist, professeure de théorie politique à Sciences Po. Or, la formation d’un territoire produit des effets sociaux et juridictionnels sur les individus qui y résident. Sur son territoire, un État est par exemple censé protéger ses non-citoyens, comme les Harkis en Algérie ou les Ghurkas en Angleterre. Lorsqu’il est question de justifier des frontières opposables, l’État doit donc être attentif aux questions liées à l’ethnie, au genre, à la religion ou à la classe sociale que vont poser pour sa population le tracé, la suppression ou le déplacement d’une frontière.

Catherine Wihtol de Wenden, directrice de recherche en sciences politiques au CNRS, rappelle quant à elle que la libre circulation est un droit émergent. Selon elle, il y a encore aujourd’hui un conflit entre les États qui veulent gérer leurs frontières de manière classique et l’idée de libre circulation des personnes. Le phénomène migratoire, qui est pourtant une tendance structurelle, continue à être nié, provoquant des privations de droits humains dans certains centres de rétention, lors de reconduites à la frontière ou pendant des contrôles d’identité. Pour autant, l’étanchéité des frontières est, pour elle, une « fiction » : les médias, les idées, les biens et les services circulent à travers celles-ci et les transgressent. 

L’intervention de Mathilde Dupré, économiste à l’Institut Veblen, porte sur la libre circulation des biens qui selon elle peut amener à nier les préférences nationales élaborées de manière démocratique. Par exemple, il est difficile d’obtenir un accord à l’échelle internationale dans certains domaines comme celui des pesticides. Pourtant, des restrictions au commerce doivent être posées pour prendre en compte la sauvegarde de la planète et l’échelon national est nécessaire pour construire des solutions collectives à l’échelon international. Mathilde Dupré dénonce, à ce sujet, la hiérarchisation assumée des États qui font primer l’économie sur les priorités environnementales.

Enfin, Mathilde Unger, maître de conférences en droit public à l’université de Strasbourg, rappelle que de nombreuses frontières ont été supprimées suite à une annexion, une invasion ou l’extension d’un territoire. La frontière est une institution comme une autre qui doit rendre des comptes dans une société démocratique. Elle se demande quels critères l’État peut utiliser pour inclure ou exclure une personne de son territoire. Chacun a le « droit d’avoir des droits », rappelle-t-elle, citant Hannah Arendt. La communauté internationale peut exiger des États qu’ils respectent le principe de non-discrimination en donnant des voies de recours aux personnes qui se présentent aux frontières. Elle termine sur la question d’un monde sans États plus respectueux des droits.

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Publié le 16/01/2020 - CC BY-NC-SA 4.0

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