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Ukraine 2015 : de la crise à la guerre

L’Ukraine connait de violents affrontements depuis des mois. D’une crise politique, elle est passée à une guerre sur fond de tensions diplomatiques entre la Russie et l’Union européenne. 
Repères et survol des différentes étapes de ce conflit.
 

Fleurs et bougies en hommage aux 100 morts dans les manifestations pour la démocratie
Hommage aux 100 manifestants décédés, « Independence Square (Maidan) – Kiev, Ukraine », by Steve Evans [CC BY-NC 2.0] via Flickr

 Un pays frontière 

Carte des langues maternelles en Ukraine
Langues maternelles en Ukraine / Ukraine’s language divide. Data source: 2011 national census. (Laris Karlis/Washington Post) [DR]

L’Ukraine se situe sur une ligne de partage entre l’Europe latine et l’Europe slave. L’étymologie de son nom renvoie d’ailleurs à la notion de frontière puisqu’elle signifie « pays à côté de » en russe. L’unité culturelle et linguistique ukrainienne est tiraillée entre Union européenne et Russie.

Elle partage ses frontières avec pas moins de sept pays : Pologne, Hongrie et Slovaquie à l’ouest ; Roumanie et Moldavie au sud-ouest ; Russie à l’est et au nord-est ; Biélorussie au nord.
Le pays est un peu plus grand que la France.

L’économie y est en récession depuis 2012. Affaibli par le coût de ses importations de gaz de Russie et accusant une forte baisse de compétitivité, le pays connaît un déficit budgétaire et une dette extérieure croissante. Le secteur manufacturier ukrainien est dominé par les industries lourdes telles que le fer (6e producteur au monde) et l’acier. 

L’Ukraine compte 45,5 millions d’habitants et sa capitale, Kiev, 2,8. Globalement, la population y est en régression.

De nombreuses données sur l’Ukraine sont accessibles sur le site France diplomatie.

L’après-Union soviétique

L’indépendance  de l’Ukraine a été proclamée le 24 août 1991, quelques deux ans après la chute du mur de Berlin et l’effondrement de l’Union soviétique. Si cette décision a été approuvée par une large majorité de la population lors du référendum national en décembre, l’acquisition de cette indépendance était surtout formelle. Aucun consensus n’existait sur la manière de construire ce nouvel état. Les acteurs politiques issus du mouvement national démocratique qui souhaitaient une démocratie réelle et des réformes ne parvinrent d’ailleurs pas à des postes à haute responsabilité dans le pays.

Les deux premiers présidents, Léonid Kravchouk (1991-1994) et Léonid Koutchma (1994-2004) étaient proches de la nomenklatura soviétique. Dans ces premières années d’indépendance, ils défendirent un changement de régime en douceur. La vie politique ukrainienne était alors marquée par une confusion entre monde des affaires et monde politique avec des clans oligarchiques mêlant intérêts économiques, influence politique et contrôle de médias. Les partis de l’opposition démocratique avaient du mal à accéder au pouvoir et à y rester.

Les transformations politiques accompagnées de corruption et de fraudes fragilisèrent le pays et provoquèrent de la déception dans la société à l’égard de l’indépendance. Les tensions étaient fortes entre Russie et Ukraine.

En 2002, des manifestations réclament la démission du chef de l’État. L’Ukraine revendique un statut d’état associé auprès de l’Union européenne.

En 2004, les falsifications des résultats de la présidentielle provoquent la « Révolution orange », l’expression faisant référence à la couleur politique de l’opposition démocratique. Maïdan, place centrale de la capitale ukrainienne est pendant 17 jours le lieu d’importantes manifestations et devient le symbole de la démocratie directe. Viktor Iouchtchenko et Ioulia Tymochenko, leaders de cette révolution, deviennent respectivement Président (2005-2010) et Premier ministre (2005-2006 et 2009-2010) mais travaillent difficilement ensemble.


En 2006, la Russie stoppe l’approvisionnement en gaz à l’Ukraine à cause d’un conflit sur les prix mais finalement un accord permet une sortie de crise. En 2009, nouvelle menace de Moscou de couper ses livraisons de gaz suivi à nouveau d’un accord. En Ukraine, les mobilisations collectives continuent avec notamment, en 2010, une dénonciation de la réforme fiscale qui vise les petites et moyennes entreprises et entrave la liberté d’entreprendre.
 
Les élections législatives de 2012 révèlent une fracture géopolitique : à l’ouest, victoire des partis favorables à une alliance avec l’Union ; à l’est, succès massif des formations favorables au Kremlin.

Les évènements de 2013-2014

À l’automne 2013, le pouvoir ukrainien met fin par décret aux négociations engagées avec l’Union européenne pour un accord d’association assorti de la condition d’une libération de l’opposante Ioulia Timochenko. En proie à des difficultés financières, le régime préfère la relance d’un dialogue avec la Russie qui lui promet de l’aide et l’avait menacé de mesures de rétorsion si un rapprochement Ukraine-Union européenne aboutissait. Le 17 décembre, un accord commercial est signé. Aussitôt, à Kiev, une grande mobilisation collective, Euromaïdan, voit le jour. Provoquée au départ par ce refus des autorités d’adopter un rapprochement avec l’Union européenne, expression de la population contre la corruption et la criminalité, incarnée dans le mot « Maïdan », la place où les rassemblements ont lieu, elle réclame la démission du président et prend les dimensions d’une insurrection nationale.

Les affrontements se multiplient avec les forces de l’ordre et l’armée. Déstabilisé, Viktor Ianoukovitch, Président de l’Ukraine depuis les élections présidentielles de 2010, abandonne Kiev. Il refuse dans un premier temps de démissionner mais le gouvernement chute en février 2014.

La sécession de la Crimée et le statut particulier du Donbass

Dans le contexte de la crise politique, en 2014, sur le terrain, l’Ukraine est confrontée à un redécoupage de ses frontières :

Perte de la Crimée

La Crimée — péninsule qui s’avance vers la Mer noire au sud — et le grand port de guerre de Sébastopol font sécession de l’Ukraine, à la suite d’un referendum unilatéral, pour former une République indépendante. Le Parlement criméen proclame son rattachement à la Russie en tant que sujet fédéral. L’Ukraine continue à revendiquer la péninsule de Crimée ; une résolution de l’Assemblée générale de l’ONU  a dénié toute validité au référendum.

Statut particulier pour le Donbass

En 2014, à la suite de manifestations « antimaïdan », une insurrection pro-russe contre le gouvernement central de Kiev, proclame la création de la République populaire de Donetsk (7 avril), puis la République populaire de Lougansk (11 mai) qui fusionneront le 23 mai 2014. Si l’armée ukrainienne intervient et progresse, elle est finalement stoppée puis doit reculer face à l’intervention de forces qui se sont réorganisées en Russie. Un premier accord de Minsk est négocié et signé pour faire cesser la guerre civile du Donbass. Toutefois, ce plan de paix qui établit un cessez-le-feu et de nouvelles frontières entre armée loyaliste et armée séparatiste, ne perdure que quelques semaines. 

En janvier 2015, les combats s’intensifient et l’armée séparatiste progresse. Le 12 février 2015, est signé à Minsk, en présence de Petro Porochenko et Vladimir Poutine, un accord de cessez-le-feu prévoyant l’arrêt des combats et la reconnaissance par Kiev d’un statut particulier au Donbass avec plus d’autonomie, la tenue d’élections et la libre utilisation de la langue russe.

Un pays déchiré…

La dernière élection présidentielle en mai 2014 s’est conclue par la victoire de Petro Porochenko. La situation ne s’est pas pour autant stabilisée. Des combats violents succèdent aux différents cessez-le- feu faisant déjà plus de 6 000 victimes selon l’ONU. L’Ukraine est déchirée : à l’est, les conflits avec les groupes séparatistes pro-russes se poursuivent occasionnant chaque jour de nouvelles victimes ; à l’ouest, des groupes ultra-nationalistes ont altéré l’image de la révolution démocratique du Maïdan ; financièrement, le pays va mal.

Cette guerre qui se déroule en Ukraine n’est pas classique. La pression qu’exerce la Russie ne prend pas la seule forme d’une conquête de territoire. Pour faire tomber le pays, la Russie utilise non seulement la force militaire avec annexion de la Crimée mais aussi une pression énergétique sur le gaz, une guerre de l’information sans précédent avec contestation du nouveau pouvoir et déstabilisation de l’Ukraine orientale.

 

Publié le 07/09/2015 - CC BY-SA 3.0 FR

Sélection de références

Dossier Ukraine

Tous les articles du journal Le Monde sur la crise ukrainienne pour les abonnés ou sur les postes multimédias de la Bpi.

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Guerre et révolution en Ukraine

Tous les articles de Mediapart en texte intégral sur les postes multimédias de la Bpi.

Article de Philippe Lefort dans la revue Politique étrangère 2014/2. En ligne sur le site Cairn.info

La crise ukrainienne ou le malentendu européen

Article de Philippe Lefort dans le dossier « Ukraine : premières leçons » de la revue Politique étrangère 2014/2. En ligne sur le site Cairn.info

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L'Ukraine entre deux fronts

Dossier en ligne datant de juin 2014 sur le site d’Arte.

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L’Ukraine, une crise politique qui révèle les tensions qui traversent le continent européen

Un article de Philippe de Suremain de décembre 2013 sur le site diploweb.com

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Ukraine : chronologie de la crise

Une frise interactive sur le site d’Arte, dans le dossier L’Ukraine entre deux fronts.

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Ukraine d'ouest en est (Blog)

Un partenariat Revue dessinée et Le Monde qui présente un reportage du photographe Guillaume Herbaut et du dessinateur de bande dessinée Jean-Philippe Stassen.

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