Questions/Réponses

Appartient au dossier : Qu’en pensent les plantes ?

Depuis quand s’intéresse-t-on à l’intelligence des plantes ?

Un utilisateur d’Eurêkoi, service de réponses et recommandations à distance assuré par des bibliothécaires, souhaiterait savoir quand les scientifiques en sont venus à parler d’intelligence des plantes alors que celles-ci ne possèdent ni cerveau ni neurones. Les bibliothécaires de la bibliothèque publique d’information lui répondent.

Fleur charnue, rouge ocre, cloquée de pustules crémeuses.
Rafflesia arnoldii est une plante parasite qui dégage une forte odeur de charogne pour attirer ses proies

Pendant très longtemps, les travaux des scientifiques occidentaux sur les plantes ont intégré un biais :  la supériorité de l’homme sur le reste du vivant. 

D’Aristote à Francis Darwin, la place de la plante dans la hiérarchie du vivant

Philippe Descola, anthropologue et professeur au Collège de France résume cet état de fait :

« L’homme aurait des dispositions cognitives et morales particulières que l’on dénie aux non-humains. Il subsiste dans notre schème mental la hiérarchie des êtres d’Aristote, qui place les plantes au-dessous des animaux et des humains. »

Pourtant au 19e siècle en Europe, le naturaliste anglais Charles Darwin voyait les plantes comme des êtres vivants des plus singuliers. En 1880, il écrit en conclusion de son ouvrage La Puissance du mouvement des plantes (également traduit La Faculté motrice dans les plantes) :

« Il n’est guère exagéré de dire que l’extrémité de la radicule (terminaison de la racine) ainsi dotée, et ayant le pouvoir de diriger les mouvements des parties contiguës, agit comme le cerveau des animaux inférieurs. »

Francis Darwin, le fils de Charles Darwin, a mené avec son père de nombreuses expériences autour des plantes. Il déclarera le 2 septembre 1908 au Congrès annuel de la British Association for the Advancement of Science que « les plantes sont des êtres intelligents », comme rappelé dans l’émission La Tête au carré du 4 avril 2018 sur France Inter.

En France, à la fin du 18e siècle, le naturaliste Jean-Baptiste Lamarck a postulé que les plantes ont une « mémoire » suite à des expériences autour de Mimosa pudica.

D’autres personnalités scientifiques ont observé les facultés adaptatives des plantes. Léonard de Vinci décrit par exemple la stratégie des feuilles pour capter la lumière solaire. Ses carnets et plus particulièrement le manuscrit G « Dessins et notes à la sanguine sur les plantes et leur croissance » (fiche descriptive par l’Institut de France), peuvent être consultés à la bibliothèque de l’Institut de France où ils sont conservés. Les photos de ces manuscrits sont consultables via le site de la RMN (Réunion des musées nationaux – Grand Palais). 

Au 21e siècle, une question de définition de l’intelligence

De nombreuses études récentes affirment que les plantes développent une forme d’intelligence mais certains scientifiques réfutent le terme d’« intelligence végétale » et préfèrent parler de cognition sensible ou de conscience des plantes.

D’autres encore considèrent que la définition de l’intelligence ne peut rester centrée sur l’homme. Francis Hallé, botaniste et dendrologue français, et Jeremy Narby, anthropologue canadien, proposent un concept plus complet et plus axé sur le comportement, dans lequel on trouve trace de l’héritage darwinien via la théorie de l’évolution :

 « Est intelligent tout être vivant qui parvient à résoudre les problèmes qu’il rencontre au cours de sa vie. Cela repose sur deux aptitudes, savoir apprendre et savoir garder en mémoire ce qui a été appris pour l’utiliser par la suite. »

Les recherches sur l’intelligence du vivant non-humain constituent un domaine encore plein de questionnements et de surprenantes découvertes.  

Pour aller plus loin 

Des ouvrages

La Faculté motrice dans les plantes
par Charles Darwin, avec la collaboration de Fr. Darwin fils, C. Reinwald, 1882
À consulter en ligne ou à la BnF

Encyclopédie méthodique. Botanique
par M. le chevalier de Lamarck,Panckoucke, 1783
À consulter à la BnF (notice ark:/12148)

L’Intelligence des plantes
par Stefano Mancuso et Alessandra Viola, Albin Michel, 2018
À la Bpi, niveau 2, 582 MAN

30 ans d’exploration des canopées forestières tropicales
par Francis Hallé, Éditions Museo, 2017
À la Bpi, niveau 2, 58 HAL

Un podcast 

« L’intelligence des plantes »
par Mathieu Vidard, dans laTête au carré sur France Inter, le 4 avril 2018 (55 min.)
Les plantes n’ont pas de cerveau mais est-ce un argument pour nier leur intelligence ?
De nombreuses références à l’apport de la famille Darwin. L’invité est Stefano Mancuso, fondateur de la neurobiologie végétale et directeur du Laboratoire International de Neurobiologie Végétale (LINV), établi à Florence.
Les principes de la « neurobiologie végétale », développés par Mancuso et Baluška depuis 2005, ne font pas consensus parmi les chercheurs.

Des conférences

« The Roots of Plant Intelligence » de Stefano Mancuso, TedGlobal 2010 (13 min.)
Les plantes se comportent de manière curieusement intelligente : lutte contre les prédateurs, maximisation des opportunités alimentaires… Mais peut-on considérer qu’elles ont une forme d’intelligence qui leur est propre ? Le botaniste italien Stefano Mancuso présente des éléments de preuves intrigants.

« Peut-on parler d’intelligence des plantes ? » de Francis Hallé, chaîne YouTube de l’Espace pour la vie de Montréal, le 28 juin 2018 (42 min.)
Le terme d’« intelligence », s’il s’applique aux plantes, mérite d’être discuté et peut-être faut-il le redéfinir.

Eurêkoi – Bibliothèque publique d’information (Bpi)

Publié le 10/02/2020 - CC BY-SA 3.0 FR