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Appartient au dossier : Entrer en transition énergétique

Vers la transition énergétique

Les énergies fossiles ne sont pas inépuisables, c’est une donnée géologique. Depuis les années soixante-dix, la question de leur remplacement par d’autres énergies, que ce soit les énergies renouvelables ou  l’énergie nucléaire, est posée. Mais comme la consommation d’énergie, tant au niveau national qu’au niveau mondial, a augmenté plus vite que la diversification de la production énergétique, le problème se pose avec de plus en plus d’acuité. 

L’épuisement des énergies fossiles

Les énergies fossiles restent majoritaires dans la production d’énergie mondiale mais aussi dans la consommation. 
Leur épuisement est inéluctable. Cependant les experts en prévision ne sont pas d’accord sur la date du pic à partir duquel cette production ne peut que décroître. Alors que le rapport de 2009 de l’Agence internationale de l’énergie indiquait qu’il était déjà atteint, le rapport de 2012 du même organisme fait état « d’une résurgence pétrolière et gazière aux Etats-Unis ». Résurgence qui serait due à deux facteurs : une reprise de l’exploitation dans ce pays qui avait beaucoup importé, ménageant ainsi ses réserves, et un développement de l’exploitation des énergies fossiles dites de « nouvelle génération » : schistes bitumineux notamment.

Sur ces questions de réserves mondiales et de projections des productions à venir :

le rapport annuel de l’Agence internationale de l’énergie

Le dernier siècle du pétrole ? la vérité sur les réserves mondiales : le point de vue d’un géologue
Yves Mathieu, Technip, 2011.

Cet ouvrage fait le point sur les réserves « prouvées, probables, possibles ». Il met l’accent sur l’inégalité des régions par rapport aux réserves, et la plus grande dépendance des pays d’Europe et d’Amérique vis-à -vis des pays producteurs, en particulier ceux de l’OPEP. De son point de vue de géologue, le pic pétrolier ne serait pas atteint avant 2030 et les pétroles non conventionnels et l’innovation technologique devraient compenser au moins partiellement l’épuisement des réserves.

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Prospectives énergétiques à l’horizon 2100 : données, contraintes et scénarios.
Jean Louis Bobin, Edp Sciences, 2013.

Cet ouvrage écrit par un physicien propose une synthèse des travaux de l’atelier Energie 2100 qui a abouti à un consensus autour de deux points :
– l’augmentation de la pollution et de la teneur en gaz carbonique de l’atmosphère provient de l’activité humaine ; elle est telle que la poursuite de cette logique peut rendre la planète inhabitable.
– on ne peut pas compter pour y remédier sur le fonctionnement libre du marché ni sur des techniques dominantes prenant en charge l’ensemble de l’approvisionnement nécessaire.
Il affirme à la fois « la nécessaire transition énergétique » et « la double inertie du système industriel et des conservatismes institutionnels » qui détermine la timide évolution qu’il prévoit jusqu’au milieu du siècle.Ce n’est que dans la seconde moitié du siècle qu’il voit amorcée une réelle transition énergétique. 

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Les alternatives

En France, le débat officiel lancé en novembre 2012 s’est conclu en juillet 2013 par un document intitulé Synthèse des travaux  qui souligne les enjeux mais ne comporte pas de recommandations.

En effet les différents participants : patronat, syndicats, Ong ne sont pas arrivés à se mettre d’accord sur des objectifs précis et partagés. Les décisions incombent donc aux politiques.
Les différents interlocuteurs affirment tous la nécessité de rechercher la sobriété et l’efficacité énergétique, mais ni la part de l’électricité (et donc du nucléaire) dans le bouquet énergétique prévu pour 2050, ni même l’objectif de réduction de moitié de la part des énergies fossiles dans la consommation française à cette date ne font consensus.

Quelques positions

Pour certains, la production nucléaire de l’électricité est garante, par son faible coût, de la productivité et de la croissance.
Ce sont ces arguments que développe notamment l’ouvrage d’Henri Safa

Quelle transition énergétique ? 
Henri Safa, Ecp Sciences, 2013.

Sous ce titre l’auteur brosse un plaidoyer pour l’énergie nucléaire qui est pour lui « écologique » dans la mesure où elle est non polluante et peu coûteuse, que ce soit dans la phase de production ou celle de distribution (réseau et stockage). Mais il évacue rapidement la question de la dangerosité du nucléaire et, restant dans un contexte français, se garde bien d’aborder tant la question des déchets que celle des dangers géopolitiques que la prolifération du nucléaire pourrait entraîner.

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Le site transition énergétique .org qui regroupe des ONG aussi différentes que Greenpeace, la Fondation Nicolas Hulot ou Sortir du nucléaire, propose au 13 janvier 2013 14 propositions dont certaines font consensus parce qu’elles ouvrent des perspectives d’activité économique à court terme et des perspectives d’économie d’énergie à plus long terme, comme par exemple la première proposition : « des bâtiments moins gourmands en énergie ».
Mais d’autres laissent perplexe. Par exemple la proposition d’ « Une mobilité rééquilibrée et durable ». En effet, s’il est certain que le domaine des transports est un domaine où les économies d’énergie sont nécessaires et possibles, notamment en privilégiant les transports collectifs, le covoiturage, les voies ferrées ou les voies fluviales par rapport à la route ou l’avion, autant le rapprochement domicile/travail induit par cette proposition suppose des changements sociaux à grande échelle dont on ne voit pas quel levier va pouvoir les opérer.

Quant aux énergies renouvelables : énergie solaire, énergie éolienne notamment, leur production n’a pas progressé suffisamment pour qu’elles puissent se substituer aux énergies classiques. Mais comme l’écrit Laurence Raineau dans Vers une transition énergétique, l’enjeu des énergies renouvelables est moins de fournir une énergie de substitution que « de faire évoluer notre rapport au monde, à la nature, à la technique pour in fine changer nos institutions et nos pratiques ».  Car ce qui les caractérise c’est leur complémentarité et leur ancrage dans des territoires spécifiques. 

Le site du Comité de liaison énergies renouvelables, rebaptisé Réseau pour la transition énergétique, donne des informations sur les initiatives  locales. Le dernier numéro de la revue éditée par ce comité traite des questions de financements qui reste un problème (cf. la proposition n° 8 des ONG citées plus haut.)
De nombreux réseaux au niveau mondial, européen ou  régional s’efforcent de coordonner les actions locales, tant il est vrai qu’en matière d’énergies renouvelables les acteurs efficaces ne peuvent qu’être que des acteurs locaux, ce qui entre parfois en conflit avec la centralisation des Etats ou des entreprises.

Quelques exemples de ces réseaux :
Territoires à énergie positive qui est plus institutionnel
Rêves d’avenir qui regroupe des communes petites et grandes en France et en Suisse autour d’une frontière et d’un  projet commun.
Transition en France qui inventorie les initiatives françaises

Un autre modèle ?

Stocklib ©Ronalds Stikans

Les initiatives locales permettent de proposer un autre modèle où on agirait à la fois sur la consommation (économies) et sur la production.

Le site de l’Agence pour la maîtrise de l’énergie recense les bonnes pratiques. Que ce soit en matière de comportement des consommateurs ou en matière d’ingénierie (bâtiments, déchets, transports etc.) 
Mais la sobriété nécessaire est indissociable d’une meilleure répartition des richesses énergétiques.

La revue Projet, de juin 2013, a réalisé un dossier intitulé  : « Transition énergétique, un piège pour les pauvres ? » Ce dossier est consultable à la Bpi sur tous les postes multimédias.
Il rappelle que la précarité et la pauvreté ont aussi un volet énergétique. La loi énergie de mars 2013  est censée prendre cet aspect en compte en étendant les tarifs sociaux. Mais cela ne suffira pas. L’un des articles propose une réforme fiscale articulée à une taxe carbone qui permettrait d’allier économies et plus grande égalité. Dans le même numéro, Patrick Viveret, dans un article intitulé « Les trois dettes », propose d’analyser la dette financière comme la convergence de deux autres dettes : l’une, écologique, vis-à-vis de la planète, l’autre sociale, vis-à-vis des plus pauvres; et il conclut sur la nécessité d’entrer dans la transition énergétique pour réduire, dans le même mouvement, ces trois dettes  et garantir ainsi la paix et la démocratie…

L’association Négawatt oeuvre depuis plus de dix ans. Son slogan : « Sobriété, efficacité, énergies renouvelables » suppose une mobilisation sociale sur la question de l’énergie qui aille de l’économie d’énergie à des pratiques sociales changeant en profondeur les modes de vie. Après la publication de son Scénario énergétique en 2011, elle a publié récemment une étude « Scénario négawatt, emplois et économie : une synergie gagnante » qui confirme que le scénario proposé modifie en profondeur le contexte économique et social. Il permet de dynamiser l’emploi pour autant que soient mises en oeuvre les mutations professionnelles indispensables pour que les nouvelles filières trouvent la main d’oeuvre nécessaire. Cela est vrai en particulier dans le bâtiment (surtout la rénovation de l’existant) et dans les énergies renouvelables (biomasse, éolien, photovoltaïque).
Dans cette perspective, la transition énergétique pourrait être l’occasion d’un investissement d’envergure en termes d’activité économique et d’emplois qui serait un réel investissement pour l’avenir. Ce n’est pas encore la voie empruntée mais Il restera à nos politiques encore une occasion d’agir, puisqu’en 2015, Paris devrait accueillir la conférence des Nations-Unies sur les changements climatiques, ce qui est une autre manière d’appréhender les questions énergétiques !

Publié le 21/08/2013 - CC BY-NC-SA 4.0

Sélection de références

Manuel de transition : de la dépendance au pétrole à la résilience locale

Hopkins, Rob (1968-....)
ecosocièté, 2010

L’ouvrage incontournable sur ce sujet !
L’auteur part de deux constats : le pic pétrolier inévitable et le réchauffement climatique et affirme la nécessité de changer de modèle :

« le message essentiel à retenir ici est que l’avenir avec moins de pétrole pourrait être meilleur que le présent, mais seulement si nous nous mettons à concevoir cette transition avec suffisamment de créativité et d’imagination. »

Ce qui caractérise le propos de ce livre c’est la volonté d’articuler catastrophisme et optimisme et de considérer la nécessaire transition énergétique comme une véritable opportunité pour révolutionner nos modes de vie, relocaliser nos sociétés et sortir de la dépendance au pétrole. L’édition en langue anglaise avait fait l’objet d’un compte-rendu de Charlotte Nordmann très justement titré L’après pétrole : survivre ou vivre autrement ? Cela reste une bonne manière d’aborder le sujet.

A la Bpi, niveau 2, 573 HOP

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