Catherine Meurisse : « Une expo sous le signe de l’optimisme, de l’humour et de la chlorophylle »

La Bpi a posé trois questions à Catherine Meurisse à l’occasion de l’exposition qui lui est consacrée à partir du 30 septembre 2020 au niveau 2 de la bibliothèque.

Catherine Meurisse / © Nicolas Trouillard
© Nicolas Trouillard

La Bibliothèque publique d’information, en collaboration avec le Festival international de la bande dessinée d’Angoulême, propose à partir du 30 septembre 2020 « Catherine Meurisse : la vie en dessin« ,  une exposition consacrée à l’oeuvre de cette artiste prolixe, aussi bien dessinatrice, caricaturiste, illustratrice que scénariste et reporter. 

Catherine Meurisse a su faire transparaître dans son oeuvre son goût pour l’art et la littérature, véritable fil rouge. Récemment élue à l’Académie des beaux-arts, elle est la première dessinatrice de bande dessinée nommée dans la section peinture, permettant au 9ème art de faire son entrée à l’Institut de France. Elle est également marraine de BD 2020, l’année nationale de la BD du ministère de la Culture.
Initialement conçue et exposée lors du Festival international de la bande dessinée d’Angoulême en février 2020, cette nouvelle présentation à la Bpi est enrichie de pièces originales et expérimentations toutes récentes, dans un parcours et une scénographie modifiée.

Entretien avec Catherine Meurisse pour une immersion dans la vie en dessin : 

 Décrivez-nous l’exposition, la façon dont elle retrace les périodes de votre vie et de votre travail, l’évolution de vos inspirations… ?

Catherine Meurisse : L’exposition s’ouvre sur un dessin reproduit en très grand : une jeune femme, qui me ressemble fort, est juchée sur une branche d’arbre, qu’elle est en train de peindre. C’est l’exact contraire de l’expression « scier la branche sur laquelle on est assis ». Cela met l’expo sous le signe de l’optimisme, de l’humour et de la chlorophylle (trop rare en ces temps pollués).
Le visiteur aussitôt aperçoit quelques dessins d’enfance, qui se muent en aquarelles plus sûres d’elles, pour la presse et l’édition jeunesse. Puis très vite c’est le grand saut dans Charlie Hebdo. Non loin des unes et des dessins satiriques, sont présentées des planches de bande dessinée plus raffinées, pour ne jamais oublier qu’il y a un coeur sensible sous un distributeur de baffes. Les albums La Légèreté et Les Grands espaces sont bien représentés, puis laissent la place à des travaux plus picturaux, extraits de l’album Delacroix, notamment.
Cette exposition à la Bpi s’est organisée très naturellement à la suite de celle à Angoulême… Les commissaires de l’exposition d’Angoulême, Jean-Pierre Mercier et Anne-Claire Norot, ont accompagné l’équipe des commissaires de l’exposition à la Bpi, Isabelle Bastian-Dupleix et Caroline Raynaud. J’ai fait confiance à ce sympathique quatuor et l’ai laissé libre de composer l’exposition comme bon lui semble.

 Que ressentez-vous à l’idée que cette exposition soit aujourd’hui à Paris, à la Bpi dans le Centre Pompidou ? Ce lieu a-t-il une signification particulière pour vous ?

C. M. : Je suis extrêmement honorée d’être exposée à la Bpi, dans le Centre Pompidou. Je fréquente Beaubourg depuis longtemps, c’est une continuelle source d’inspiration. Savoir que Duchamp, Mondrian ou Beuys sont juste derrière la cloison de mon exposition m’amuse beaucoup. Je sais l’importance des bibliothèques, mais je mentirais si je vous disais que je les fréquente encore : j’ai cessé de le faire à la fin de mes études d’art. La Bpi représente donc pour moi un lieu d’exposition, où j’ai pu admirer les oeuvres de Franquin ou de Bretécher. Il y a cinq ans, Claire Bretécher, exposée à la Bpi, réchauffait de son génie l’année glaciale que fut 2015. Pour les besoins de l’exposition, on m’avait demandé d’évoquer son travail, et cet exercice d’admiration et de mémoire, qui nécessitait de se replonger dans son oeuvre, m’avait permis de retrouver des forces. « Rappelle-toi, pour t’enflammer éternellement, certains passages de Byron », écrit Eugène Delacroix dans son journal. Je troque volontiers Byron contre Bretécher.
À la Bpi, j’apprécie que les cimaises voisinent avec les rayonnages et les ordinateurs, et que les visiteurs côtoient les habitués studieux de la bibliothèque, que l’entrée de l’expo soit gratuite. C’est l’illustration même de l’ouverture d’esprit, de l’accessibilité à la culture.

L’exposition à la Bpi montre de nouvelles pistes esthétiques par rapport à l’exposition d’Angoulême, notamment vos travaux plus récents… Pouvez-vous nous en parler ? Que racontent ces oeuvres de votre évolution artistique ?

C. M. : Je ne me pose pas la question de mon évolution artistique, même si je fais de mon mieux pour m’améliorer et ne jamais me répéter. Cette évolution se fait au gré des rencontres, des envies. Avoir cessé de pratiquer le dessin de presse me permet de consacrer plus de temps à la peinture, à la réalisation d’albums personnels, parfois hybrides (entre livre illustré et bande dessinée, comme Delacroix). Je redécouvre la lenteur, mon cerveau ne travaille plus de la même manière. Il ne réagit plus au quart de tour pour synthétiser un fait politique en deux coups de crayon, il prend le temps de laisser infuser des idées et des impressions, et de choisir les outils pour les illustrer : la gouache plutôt que le feutre expéditif, le papier satiné plutôt que le papier machine. Ce nouveau rapport au temps de la création, qui m’entraîne parfois sur le terrain de la poésie, me convient parfaitement aujourd’hui.


Catherine Meurisse : La vie en dessin
Exposition du 30 septembre 2020 au 25 janvier 2021 à la Bibliothèque publique d’information (niveau 2)

Publié le 05/09/2020 - CC BY-SA 4.0