Yémen, une histoire contemporaine
Notre sélection de ressources

Du 24 janvier au 7 mars, la Bpi vous propose une sélection de ressources et de documents sur l’histoire récente du Yémen, un pays au cœur d’enjeux nationaux et géopolitiques complexes, dévasté depuis 2015 par une guerre aux racines anciennes.

Photo Julien Masson / Bpi

Depuis 2015, la guerre ravage le Yémen. Ce pays singulier des confins de la Péninsule arabique est désormais associé à des images et à des récits de massacres, de destructions, de famine et de maladies.
Pourtant, derrière la catastrophe humanitaire et les troubles ingérences étrangères se cachent des réalités complexes.

Aux temps préislamiques, le Yémen est le cœur d’une civilisation prospère, riche de splendeurs architecturales, linguistiques, patrimoniales. C’est l’antique et rayonnante « Arabie Heureuse » du royaume de Saba. Au XIXème siècle, la région devient une terre exotique pour aventuriers européens en quête d’un Orient fantasmé. Des imaginaires stéréotypés se diffusent, nourris par le récit des voyageurs étrangers. Ils figent le pays dans une caricature de société immuable et de population alanguie.

L’Histoire contemporaine du Yémen révèle pourtant une nation singulière et complexe, régie par des forces, des structures et des influences diverses. Loin du pays sclérosé que nous nous représentons, sa position stratégique sur de nombreuses voies commerciales et maritimes en a fait à la fois un lieu de passages, une région de contacts, de conquêtes, de migrations. Les liens et les échanges ont été nombreux avec la péninsule Arabique, autour de la mer Rouge, et au-delà de l’océan Indien. Les mobilités et la relation à l’autre constituent donc, depuis des siècles, la quintessence de la société yéménite.

Le pays a connu, tout au long du XXème siècle, des soubresauts, des avancées, des conflits politiques, des oppositions religieuses ou territoriales, des évènements tragiques ou fédérateurs qui ont contribué à faire du Yémen ce qu’il est aujourd’hui. Pays le plus pauvre de la péninsule, il en est aussi la seule République. Les chercheurs le qualifient souvent de « nation duale », tant il s’est construit malgré et autour de deux entités parallèles très contrastées :

  • Le Yémen du Nord, montagneux, anciennement colonisé par les ottomans, se structure politiquement autour de
    l’organisation tribale et d’un imamat d’obédience zaydite, un courant majeur du chiisme. Sa capitale est la majestueuse Sanaa. Il accède à l’indépendance en 1918. Il est longtemps resté isolé du reste du monde, privilégiant un mode de vie traditionnel et conservateur, rétif aux innovations technologiques, régenté par une élite aristocratique soudée par la foi. Le Nord Yémen n’est toutefois pas une entité figée : à partir des années 1940 naissent des mouvements de contestation, comme celui des « Yéménites libres », impulsés par une élite intellectuelle issue de la classe moyenne.
  • Le Yémen du Sud, tourné vers la mer et les ports, influencé par l’administration coloniale britannique, compose une société radicalement différente de celle du nord. Sa population est majoritairement chaféite, et relève de l’islam sunnite. Géographiquement et socialement tourné vers le monde extérieur, il accède à l’indépendance en 1967, en pleine guerre froide. Il se développe sous l’égide de l’URSS, qui encourage la création d’une république d’inspiration marxiste. Le Yémen du Sud rayonne à l’international et se positionne à l’avant-garde d’un glissement vers la gauche de certaines parties du Mouvement nationaliste arabe. On y procède à la nationalisation des terres et des entreprises. Les élites traditionnelles tribales sont affaiblies. Le gouvernement instaure l’éducation universelle, un service de santé gratuit, l’égalité formelle pour les femmes. Un code de la famille très progressiste s’impose. La capitale, Aden, devient un lieu de rencontre incontournable pour les militants anti-impérialistes du monde entier. Des mouvements terroristes comme la Fraction armée Rouge y trouvent même refuge. Cependant, l’expérience socialiste n’est guère concluante sur le plan économique, malgré l’aide conséquente de l’URSS ou du Koweit voisin. De vives tensions politiques, incarnées par un
    massacre de masse des leaders historiques de la révolution, achèvent de miner la crédibilité du Yémen du Sud.

L’unification des deux Yémen est proclamée en 1990. Le Parlement vote une Constitution prometteuse, multipartite. La cohésion nationale reste néanmoins fragilisée par ces clivages irréconciliables, hérités de l’histoire coloniale. Les populations du Sud se sentent lésées par la concentration des pouvoirs imposées par le Nord, trois fois plus peuplé : Sanaa devient la capitale officielle du pays. Ali Abdallah Saleh, président du Nord, prend la tête de la nation unifiée. En 1994, une guerre civile-éclair entérine la mise sous tutelle des élites sudistes.

Ces dissensions profondes éclairent sans aucun doute la trajectoire tragique prise par le Yémen aujourd’hui.
Les ingérences régionales, Arabie saoudite en tête, doivent également être mises en perspective.

Pour aller plus loin sur ce sujet, nos bibliothécaires vous proposent une sélection d’ouvrages et documents à découvrir au niveau 2, près du bureau Histoire-Géographie, jusqu’au 7 mars 2023. Vous pouvez également consulter en ligne ou télécharger en PDF une bibliographie commentée, et agrémenté de nombreuses références de ressources numériques.

Publié le 25/01/2023 - CC BY-SA 4.0