Thomas Sankara : une expérience révolutionnaire au Burkina Faso
Notre sélection de ressources

La Bpi vous propose jusqu’au 24 mai 2022 une sélection de ressources et de documents autour de l’expérience politique révolutionnaire menée au Burkina Faso par son président, Thomas Sankara, de 1983 à 1987.

Photo : Julien Masson / Bpi

En octobre dernier s’est ouvert à Ouagadougou un procès retentissant. Il vient de lever le voile sur l’assassinat, le 15 octobre 1987, de Thomas Sankara, ancien président du Burkina Faso, et de douze de ses compagnons d’armes.
Figure du panafricanisme, artisan d’une révolution sociale, économique et culturelle profonde, il est aujourd’hui encore un symbole d’émancipation vivace dans toute l’Afrique.

Les commanditaires du coup d’Etat de 1987 étaient jusque-là restés impunis. Qui sont-ils ? Les suspects sont nombreux tant Thomas Sankara était de toutes les luttes. Ses combats et sa capacité à mobiliser la société burkinabé dans des transformations structurelles ont suscité l’irritation de ses ennemis politiques, comme de ses amis (à commencer par celui qui a lui a succédé à la tête du Burkina Faso, Blaise Compaoré : il vient d’être condamné par contumace à perpétuité). Les ramifications internationales du dossier sont nombreuses (bien que non traitées lors du procès de Ouagadougou), et les implications étrangères restent à déterminer : la France de François Mitterrand, la Côte d’Ivoire de Felix Houphouët-Boigny, la Lybie de Mouammar Kadhafi et le Libéria de Charles Taylor pourraient être compromis.

Arrivé au pouvoir en 1983 après un coup d’Etat dont il a pris la tête, Thomas Sankara devient à 34 ans le plus jeune président d’Afrique. La Haute-Volta, comme on l’appelait alors, est le pays le plus pauvre du monde, avec une espérance de vie atteignant à peine 40 ans. Surnommé par son peuple le « président des pauvres », il engage très vite son pays dans un processus révolutionnaire. L’expérience est radicale autant qu’originale.
Thomas Sankara veut inverser les rapports de force économiques, politiques et géopolitiques, et entend éradiquer la pauvreté dans son pays, qu’il rebaptise « Burkina Faso » (le « pays des hommes intègres » en langue mooré et dioula).
Héritier de la pensée panafricaine, il plaide pour une union globale des pays du continent comme seul remède au néocolonialisme politique et économique toujours pratiqué par l’Occident.
Il promeut un développement économique autocentré, et dénonce avec vigueur la dette imposée aux pays africains par les institutions financières internationales (FMI, Banque mondiale). Etranglés par des plans de rigueur drastiques, les gouvernements des pays du tiers-monde sont contraints d’abandonner toute réforme sociale, et de favoriser l’implantation de multinationales mortifères pour les économies locales.
Son célèbre discours sur les méfaits de la dette de juillet 1987 au sommet de l’OUA reste un moment mythique de l’Histoire africaine.
Alors que la corruption gangrène tout le continent, Thomas Sankara affiche un train de vie modeste. Une importante réforme agraire est mise en place: alors qu’il importe 220 000 tonnes de céréales en 1984, le pays atteint, deux ans plus tard, son objectif de deux repas par jour. Jean Ziegler décrira plus tard les réformes de Sankara comme suit : « il a vaincu la faim, il a fait que le Burkina, en 4 ans, est devenu alimentairement autosuffisant ».

Son action est également sociétale. On le dit féministe : il instaure une « journée de marché au masculin », obligatoire pour les hommes, afin de les sensibiliser aux tâches ménagères. Il tente même de faire imposer à la société burkinabé un salaire vital pour les femmes, prélevé sur les émoluments de leurs époux. Il lance des campagnes d’alphabétisation, interdit l’excision et les mariages forcées. Ses campagnes de « vaccination commandos » touchent 2,5 millions d’enfants.
Son combat est aussi écologique : sa lutte contre la désertification du pays est notable. Il s’engage dans l’agro-écologie et en fait une problématique fondamentale de développement. Alors que chaque famille est incitée à cultiver son potager, il fait de la protection des arbres une priorité absolue. Comme dans beaucoup d’autres domaines, Sankara comprend très tôt l’importance de la préservation des écosystèmes.
Politiquement, le bilan est peut-être plus ambigu : des opposants politiques et des syndicalistes sont emprisonnés, les fameux CDR (comités de défense de la Révolution), chargés d’appliquer les réformes au niveau local, jouent incontestablement un rôle répressif.

Malgré tout, Thomas Sankara reste une figure émancipatrice de l’Histoire africaine, dont les combats demeurent ancrés dans les mémoires et l’imaginaire du Burkina Faso.

Vous souhaitez en savoir plus sur ce sujet ? La Bpi vous propose une grande sélection de documents et de vidéos à consulter sur place au niveau 2 jusqu’au 24 mai 2022. Vous pouvez également consulter en ligne ou télécharger en PDF une bibliographie réalisée par nos bibliothécaires et comprenant de nombreuses références d’ouvrages.

Publié le 29/04/2022 - CC BY-SA 4.0